Il s’en est allé tout doucement, loin de chez lui, reposant entre la serre et notre potager de vivaces du Finistère. Gun n’est plus. Il nous a accompagnés depuis le début de notre projet de potager expérimental à Hoeilaart. Il n’est pas un chien comme les autres. Il s’appelait Gun of Meerdaal Forest. Il avait un pédigrée, ce teckel au pelage noir et feu, né le 14 novembre 2007 (1). Outre son nom, nous l’appelions Le chien ou Bébé, affectueusement.
Parmi les participants à nos formations, qui n’a pas rencontré Gun, quémandant un bout de viande, de biscuit, une caresse en gémissant voire en aboyant si l’on ne prêtait pas attention à sa demande ?
Parce qu’il nous parlait ce bougre. Il était très expressif. Ces petits grognements, les heu heu, des hum hum et bien d’autres gémissements parfois difficilement perceptibles, étaient des messages qui nous étaient adressés.
Depuis que je le connais, mais surtout que je travaille au potager, des rituels s’étaient instaurés : le matin il me faisait la fête quand j’arrivais dans la maison. Ma phrase avec accentuation sur la question : « on va voir les poules ? » était le signal pour un moment de cavalcade et de balade chez la voisine. Voir les poules ? Inintéressant. Il faisait sa promenade pour essayer de retrouver ses copines, Lucy et Crumble. Ces dernières ne s’exprimant que par le regard et rarement des aboiements ! Bien sûr, le teckel s’exprime aussi par le regard. Quand Gun était vexé, il détournait son regard hautain, levant la tête et refusait de nous regarder !
Le gardien du potager ?
En biodynamie, le chien fait partie des douze animaux de la ferme. Il en est le gardien, certes bien que l’oie est la première à faire fuir l’intrus. Le chien est aussi l’animal de compagnie de l’homme. Il fait partie de sa vie. Oh que oui !
Gun était étonnant comme chien de garde. Du haut de sa petite taille, il était capable d’affronter un gros monstre qui se promenait souvent, librement, dans le quartier. Nous l’appelions Cubitus. Gun aboyait quand il le voyait. Alors que Cubitus, écumant et bavant, était entré dans le potager saccageant nos salades, Gun et moi, avons pris notre courage à deux mains et nous avons fait fuir le monstre vers son royaume. Il fallait voir cette course poursuite entre un « ras de terre » et ce « haut sur pattes » jusqu’au bout de la rue…
Vivre dans le moment présent ?
Un de mes professeurs en biodynamie a expliqué que le chien vit dans le moment présent. Il ne peut se projeter dans l’avenir et ne se souvient pas de son passé. Il a probablement raison pour ce qui est de l’avenir, mais je reste persuadé que les effets marquants du passé sont retenus par le chien. Gun aboyait avec virulence contre les enfants, les voyant comme une menace. Sa mère m’a expliqué que le chiot acheté dans un chenil était le plus chétif, le plus mal aimé de la portée de sa mère biologique. Il était déjà rejeté par sa fratrie. S’il n’était pris par personne, il allait être piqué ! Il a été choisi par la famille de Florian. Oui, un chien a probablement une mémoire bien plus développée qu’on ne le pense. (2)
Éloignez le chien du potager ?
Beaucoup de sites Internet expliquent avec moult détails comment empêcher son chien d’aller faire des trous dans le potager ou d’écraser les fleurs sur leur passage. Tout est expliqué pour contraindre les chiens et les chats de ne pas rejoindre notre éden.
J’avoue que nous avons toujours été heureux d’inviter Gun dans notre potager. Il est chez lui que diable, les chats des voisins, les renards, les rats, les écureuils passent aussi sans nous demander la permission. Chien et chat font partie de l’écosystème du potager. Et puis, le chien est capable de comprendre ce qui nous tient à cœur. La seule chose que nous avons fait est d’expliquer à Gun que nous ne préférons pas le voir dans nos plates-bandes. Et cela fonctionne. Si Gun venait au potager, c’était pour quémander de la nourriture ou boire l’eau de la mare. En un mot comme en cent, accueillez le chien ou le chat et ne lui mettez pas d’entraves, il vous le rendra au centuple !
Le chien et le rat
Si l’astrologie chinoise nous indique que le chien et le rat font bon ménage, il n’en est rien dans la vie sauvage du potager ! Gun marchait nonchalamment sur le chemin en pente du potager. A la hauteur de la serre, souvent il descendait brutalement les escaliers ayant senti la présence de l’intrus. Il se mettait à renifler bruyamment dans les trous des rats situés derrière les bassins d’aquaponie. Il n’a jamais attrapé un seul de ces muridés. Ces derniers détestent l’odeur des chiens.
Nous savons que lorsque Gun arrivait dans le potager ou dans le jardin des poules, les rats se tenaient à carreaux. Mais cela ne durait que le temps de son passage ! Il paraît qu’en mettant des poils de chien dans les terriers, cela fait fuir les rats… Demandez aux officines de toilettage pour chien, ils seront heureux de s’en débarrasser !
Et les excréments de Gun ?
Selon une étude menée par le professeur Pieter De Frenne de l’université de Gand, (3) les excréments et l’urine des chiens apportent un taux élevé d’azote et de phosphore dans la nature. Certes les plantes ont besoin d’azote pour croître, mais pas à des taux aussi élevés. Cette étude montre que les 87 millions de chiens présents en Europe apportent en moyenne 11 kg d’azote et 5 kg de phosphore par hectare de forêt !
C’est presque autant que l’industrie chimique de synthèse dans l’agriculture conventionnelle. Cet apport des chiens est catastrophique pour les plantes sauvages, les lichens et les champignons. Ces plantes sont remplacées petit à petit par des orties. Chez nous, Gun préfère les graviers du chemin menant au potager, nous n’avons pas eu d’autres désagréments que de ramasser ses crottes !
Gun et les légumes du potager
Quelques fois, nous avons découvert les concombres et les fraises, situés au ras des pâquerettes, grignotées. Nous avons octroyé ces méfaits aux rats qui on pullulé, un temps, chez les poules jusque dans le potager. Il n’est pas impossible que notre compère ait participé au partage des légumes. Rho rho me susurre encore Gun avec une moue de désapprobation !
Les chiens ont des légumes de prédilection comme le concombre, la carotte, la courgette, les haricots verts, la patate douce et j’en passe certainement. Bien sûr, il déteste les laitues et l’ail.
En termes de fruit, ils aiment les fraises, les framboises, les poires si on lui retire les pépins toxiques, les mangues, les ananas… Je me souviens de Gun qui me regardait manger des raisins. Il désirait tant ces petites boules grises (voit-il la couleur ?) que je mangeais avec avidité. Je lui ai donné un demi raisin sans pépin. Confiant dans sa capacité à refuser la salade qu’il exècre, il sent, il se risque à lécher. Il attrape ce morceau en le mâchouillant avec délectation. Ses babines se sont retroussées par saccades rapides, signe de son contentement. Gun était donc épicurien !
Clopin-clopant…
Oui, Gun s’en est allé vers le paradis au bout de quinze années bien remplies. Quand sa mère m’a dit qu’il avait rejoint le paradis des chiens, je lui ait répondu qu’il avait rejoint, aussi, le paradis des hommes. Je n’ose pas imaginer un paradis sans animaux… (4)
Géry de Broqueville
- Son nom latin est : Canis lupus familiaris. Ce chien appelé chien-saucisse par la longueur de son corps est d’origine allemande. Son caractère peut être défini ainsi : vif, futé, joueur, têtu, dévoué, actif, indépendant, courageux. Tout Gun en soi ! Pour en savoir plus, cliquez ici.
- « Le chien dispose de trois sortes de mémoire : affective (en rapport avec la relation qu’il tisse avec son maître et qui rythme les différents moments de la journée, et les moments »plaisants en particulier) ; la mémoire mécanique (comme chez le chien de chasse par exemple) ; et la mémoire dite associée. » Cet article est intéressant car il montre qu’en fin de compte, nous ne savons encore rien à propos de la mémoire de notre chien. Cette définition provient de Santévet.
- Université de Gand.
- Le pape François a expliqué, dans un discours, Place Saint-Pierre à Rome, le 23 mars 2023 que tous les animaux ont une place dans le ciel. Les religions du Livre sont toutes d’accord là-dessus.