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La coccinelle chinoise

Larve de coccinelle chinoise
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Temps de lecture : 5 minutes

Dans l’article précédent nous avons abordé la coccinelle européenne. Nous allons voir qui sont ces coccinelles chinoises et comment elles se sont adaptées au climat européens. En sachant qu’elle s’est installée définitivement en Europe et couvre actuellement la France, le Nord de l’Italie les pays Balkans, montant jusqu’au sud de l’Angleterre et des pays scandinaves. Nous allons voir les conséquences sur la biodiversité locale.

Descriptions

Résistante au froid, comme toutes les coccinelles, l’Harmonia axyridis passe l’hiver à l’état adulte en sachant que sur une année, il peut y avoir plusieurs générations. L’accouplement a lieu au printemps. La femelle dépose des œufs par petits groupes à proximité d’une source de nourriture. Au bout de quelques jours, les œufs éclosent et donnent naissance à une larve d’allure très différente de l’adulte qui va se délecter, notamment, des pucerons.

Un beau M sur le pronotum confirme bien que c’est une asiatique

Facteurs de prolifération

Le cycle de vie est très rapide à cause de sa fécondité qui est très importante avec une production de plusieurs générations en un an. Les femelles de cette espèce peuvent pondre jusqu’à 2 500 œufs durant leur vie, et même en laboratoire jusqu’à 3 819 œufs à un taux de 20 à 30 œufs/jour. Les œufs fraîchement pondus sont jaune pâle et ovales et ils mesurent 1,2 millimètre de long. Ils deviennent jaune plus foncé avec le temps, puis gris-noir environ 24 heures avant d’éclore.

Elle a la capacité de voler sur des grandes distances pour rechercher un lieu d’hibernation. De plus, elles sont capables de se rassembler en grand groupe dans les habitations pour résister contre le froid. Elle est capable de s’adapter dans les différents lieux et en même temps de supplanter la présence d’autres prédateurs du puceron. En soi elle est plus vorace que la plus vorace des endémiques qu’est l’Adalia bipunctata. Elle a très peu d’ennemis naturels en termes de parasitoïdes. Depuis quelques années, on en découvre tout de même (voir ci-dessous). Enfin, elle s’adapte dans les lieux où prolifère son garde-manger, c’est-à-dire dans les zones agricoles et en milieu urbain.

La coccinelle Harmonia a été introduite, volontairement, en Flandre en l’an 2000. Le but ? le biocontrôle, croyant pouvoir venir à bout des pucerons, dans les cultures sous serres.1 Elle présente une très grande variabilité de couleurs entre individus. Elle s’est répandue rapidement, en moins de quatre ans, sur l’ensemble de la Flandre avec quelques incursions en Wallonie, comme le montre la carte ci-dessous.

L’article 2 de 2004, dans lequel j’ai trouvé cette carte est très intéressant car on y fait encore la publicité pour acquérir des larves de coccinelles asiatiques tout en prévenant des dangers qui commencent à pointer les problèmes concernant la biodiversité du pays. Ainsi on peut y lire ceci : La Coccinelle asiatique pose toute une série de problèmes. Le premier est d’ordre environnemental. H. axyridis est considéré comme une espèce invasive : d’origine exotique, elle se répand à très grande vitesse et représente une menace pour les espèces indigènes et pour l’équilibre des écosystèmes. La menace sur nos espèces de coccinelles est particulièrement importante. En effet, la Coccinelle asiatique entre non seulement en compétition (pour la nourriture, l’espace…) avec les coccinelles prédatrices indigènes mais, en plus, elle est capable de se nourrir directement de leurs larves, se comportant ainsi en prédateur intraguilde. 3

Les coccinelles chinoises sont des envahisseurs qui se sont tellement bien implantées chez nous, que personne ne propose de solutions pour les réguler. Pire que cela, les entomologistes ont baissé les bras. On aurait pas dû les importer. Mais c’est trop tard ! Quand l’être humain joue l’apprenti sorcier, cela ne lui réussit jamais. 4 Il est toujours perdant.

Comment faire la différence entre les deux types de coccinelles

Une fois de plus cet article de 2004 est très bien réalisé. Il existe un essai de différenciation entre les coccinelles asiatiques et européennes. Je remets in-extenso le texte ci-dessous avec ses dessins : La détermination de la Coccinelle asiatique n’est malheureusement pas évidente à cause de sa très grande variabilité de couleurs. Notre Coccinelle à 2 points, qui hiverne aussi dans les maisons, est également très variable ! La combinaison de deux caractéristiques permet de distinguer la Coccinelle asiatique :

  • Sa taille plus grande que celle de la plupart des espèces indigènes: 5 à 8 mm;
  • Son pronotum qui peut présenter trois types dessins : clair avec un dessin en forme de
    « M », clair avec « patte de chat » (une tache centrale avec 4 autres taches en demi-cercle autour) sans taches supplémentaires et, enfin, noir avec deux larges bandes claires. Il existe une espèce indigène avec un dessin en patte de chat mais elle est plus petite et les espèces indigènes qui mesurent plus de 5 mm ont un dessin différent sur le pronotum.
  • Les coccinelles asiatiques se caractérisent par une petite bosse à l’extrémité de leurs élytres alaires. Si vous voyez cela, vous pouvez être sûr qu’il s’agit d’une espèce asiatique car les espèces indigènes n’ont pas cela.

Quatre formes parmi les plus courantes d’Harmonia axyridis. On remarque les trois types de dessins sur le pronotum (de gauche à droite) : patte de chat, « M », noir avec 2 larges bandes blanches. Il s’agit en fait d’un continuum : les taches de la patte de chat fusionnent pour donner le « M » qui donne le troisième dessin si la fusion est encore plus importante. NB : le nombre de taches est très variable.

Adalia bipunctata, la coccinelle à 2 points. Le risque de confusion est maximal avec cette espèce.
En effet, comme H.axyridis, elle est très variable et elle s’agrège dans les maisons en hiver. Elle est plus petite (< 5 mm), les dessins du pronotum sont différents et ses pattes sont toujours noires (souvent brunes
chez H. axyridis)
Adalia 10-punctata, la Coccinelle variable, est l’indique comme son nom l’indique tres très variable et ressemble et ressemble très fort à H. axyridis (coloration, y compris le pronotum). Les seules différences sont sa plus petite taille et le fait qu’elle ne s’agrège pas dans les maisons en hiver. Harmonia 4-punctata est la cousine indigène d’H. axyridis. Elle a la même taille mais elle vit uniquement sur les pins et le dessin de de son pronotum est différent : une patte de chat avec une série de taches supplémentaires autour. En outre, elle ne rentre jamais dans les maisons en hiver. Le nombre de taches sur ses élytres est très variable.

La biodiversité est menacée

Elles dévorent les œufs et les larves des autres prédateurs des pucerons avec lesquels elles sont en compétition. Elles sont responsables de la forte régression de plusieurs espèces de coccinelles indigènes d’Europe. 5

Économiquement, la coccinelle chinoise fait de gros dégâts. Lors de la récolte des arbres fruitiers en fin de saison, on peut voir des fruits entiers recouverts de coccinelles en train de les dévorer. Nos coccinelles européennes sont mieux élevées. Elles n’attaquent pas les fruits. Cela pose un gros problème aux viticulteurs qui, au moment des vendanges, doivent jongler avec des invasions de coccinelles asiatique. Les coccinelles sont récoltées avec le raisin lors des vendanges et les substances qu’elles émettent modifient le goût du vin. 6

Les rassemblements de la Coccinelle asiatique débutent en octobre, dans les jours chauds qui suivent la première période de froid. Elles vont s’installer dans la maison, parfois par centaine, au point où les habitants en sont incommodés. Souvent, elles émettent une substance jaunâtre malodorante et toxique. Elle est sans danger pour l’homme mais cela lui permet de retrouver ses zones d’habitat, chaque année.

Toxines et champignons tueurs

Cette toxine est composée de de l’isopropyle méthoxy pyrazine comme produit chimique défensif pour dissuader la prédation. Elle transporte également ce produit chimique dans son hémolymphe à des concentrations beaucoup plus élevées que de nombreuses autres espèces de coccinelles, ainsi que des composés défensifs spécifiques à l’espèce ou au genre comme l’harmonine toxique et transportent des agents pathogènes. Certains scientifiques pensaient que l’harmonine, une molécule présente dans les œufs des coccinelles asiatiques, pouvait empoisonner les coccinelles européennes, qui se nourrissent d’œufs la contenant.

En 2013, des chercheurs se sont rendus compte que la coccinelle asiatique était porteuse d’un agent pathogène. Cet agent est un champignon (Nosema thomsoni) 7qui provoque la Microsporidiose des coccinelles endémiques. Cela entraîne la mort de la coccinelle par la destruction des tissus internes. 8

Les aliments des chinoises

La nourriture des coccinelles chinoises sont un peu les pucerons mais elles ne dénigrent pas de manger les feuilles des légumes. Cette espèce prédatrice se nourrit d’une grande variété de petits insectes. Elle affectionne les pucerons et peut en dévorer plusieurs chaque jour. La larve se nourrit de pucerons, de nectar et de pollen.

Les prédateurs

Dès 2011, on a constaté une baisse spontanée du nombre de coccinelles asiatiques dans la nature, et en 2016, les analyses ont montré que l’arrivée d’Harmonia avait fortement réduit le nombre d’espèces indigènes, mais que celles-ci résistaient encore. Celle qui a le plus souffert est l’Adalia bipunctata qui a diminué d’au moins 30 %. Un nouvel équilibre est en train d’émerger.

Au début, on pensait que les variantes asiatiques n’avaient pas d’ennemis naturels à part les fourmis, mais cela a changé au fil des ans. Les chercheurs ont constaté que des champignons, des nématodes et, dans une moindre mesure, des acariens s’attaquent à cette espèce.

Il existe des preuves solides que les femelles infectées par des nématodes cessent de pondre des œufs. Un nombre élevé d’infections fongiques est également constaté chez les espèces asiatiques. Mais de là à dire que l’on pourrait en venir à bout est une erreur.

En conclusion…

La plupart du temps, les coccinelles asiatiques sont intégrées dans la liste des coccinelles endémiques. C’est ce qui apporte de la difficulté dans la différenciation des espèces.

Géry de Broqueville

  1. Il est à remarquer que notre coccinelle à 7 point (Coccinella septempunctata), endémique de Belgique a suivi le même sort que sa consœur chinoise, en colonisant l’Amérique du Nord et du Sud et est ainsi devenue une coccinelle envahissante dans ce continent. Le but était une fois de plus une action de biocontrôle à partir des années 1970. ↩︎
  2. L’article provient d’un site de la Région flamande. ↩︎
  3. Même article page 2 ↩︎
  4. Il en va de même pour d’autres animaux et même plantes comme la Renouée du Japon. Par contre l’arrivée du frelon asiatique est accidentel. la faute reste la mondialisation de l’économie. ↩︎
  5. Étienne Branquart et Guillaume Fried, Les espèces envahissantes d’ici et d’ailleurs, Ed. Gerfaut, 2016, p.152 ↩︎
  6. Cela donne un goût de beurre rance. J’ai vécu cette expérience dans une des vendanges lorsque j’étais maître de chai à La Mazelle, à côté de Beaumont. Nous avons passé des heures à retirer ces coccinelles chinoises de nos grappes. C’était un enfer vécu par des dizaines de volontaires pour arriver à un seuil acceptable. ↩︎
  7. Les espèces de Nosema appartiennent aux Microsporidia. Ce sont ces même Nosema qui serait à l’origine de la chute du nombre abeille sauvage et domestique dans le monde. Nosema effectue son cycle de vie en infectant les cellules de l’intestin moyen des abeilles. Une fois qu’une spore est ingérée par une abeille et atteint l’intestin moyen, elle germe. Elle injecte ensuite son contenu dans la cellule hôte où elle consomme le contenu cellulaire par phagocytose jusqu’à ce qu’elle finisse par se multiplier avant de rompre la cellule hôte pour libérer un grand nombre de spores. Pour aller plus loin, voir Apisavoir.ch ↩︎
  8. Branquart, p.73 ↩︎
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