Sur notre planète, nous avons du soleil gratuit pour faire pousser les plantes par un apport de luminosité et de chaleur. Un troisième élément est tout aussi fondamental : l’eau. A Ndoumboudj, lieu de travail pour Florian et moi-même ces 14 derniers jours, cet élément est devenu plus que fondamental.
Dans les cours que nous donnons tant en Belgique qu’au Sénégal, nous exhortons les participants à arroser le moins possible pour pousser les plantes à chercher l’humidité dans les profondeurs du sol. Cela permet de renforcer le système racinaire et dans le cas d’une extrême sécheresse, les racines les plus profondes auront accès à l’humidité. Si l’on vient à arroser sans arrêt les plantules, elles ne développeront qu’en surface les racines ne se donnant aucune chance de résister en cas de forte chaleur. Que dire si le potagiste reçoit l’interdiction d’arroser les plantes en cas de diminution des nappes phréatiques, ce qui va arriver de plus en plus souvent. Il ne pourra que pleurer sur son triste sort alors qu’il était prévenu !
Le cas de la Mbamkhanassé
Cette plante médicinale est remarquable par la structure de ses racines. Elle est capable de survivre à toutes les sécheresses. Il est frappant que ses feuilles restent toujours vertes même quand le soleil tape au plus fort. Le mystère reste entier jusqu’à ce jour où nous avons creusé avec les jeunes de la ferme école de Ndoumboudj la seconde partie d’un bassin qui accueillera une réserve d’eau et des poissons d’eau douce (Voir la première photo). Cette plante nous a révélé le secret de sa couleur verte intense : l’énormité de sa racine.
Ainsi cette plante au fil de son adaptation millénaire a capitalisé l’humidité du sol pour survivre aux grandes chaleurs. Sa racine qui est largement plus longue et plus large que le port de l’arbuste possède non seulement des réserves de sève mais tout simplement de l’eau. Quand on coupe des morceaux de racines, l’intérieur en est grandement humide.
Il est intéressant de découvrir qu’autour de la plante et parfois sur plusieurs mètres, le sol reste humide. Cette humidité commence à environ 30 cm de la surface du sol, sauf dans l’environnement immédiat de la plante où l’humidité monte jusqu’à 15 cm du sol. Il devient plus clair que les plantes pompent l’humidité vers la surface du sol.
50 cm de racines ?
Il est donc évident que lorsque l’on sème directement dans la terre, des carottes, des radis entre des oignons repiqués, il faut arroser ces espaces de telle sorte que les semis prennent puisqu’il n’y a pas d’humidité dans des profondeurs si faibles (1 à 3 cm)
L’eau est donc un enjeu d’une importance capitale au Sénégal et surtout dans des zones semi-arides comme Ndoumboudj. Or dans le village immédiat et voisin, Santamba, il existe une vallée verdoyante où les femmes développent des espaces maraichers. Les jeunes de la ferme de Ndoumboudj trouvaient que c’était trop facile de cultiver au bord d’une rivière aussi petite soit-elle. Quand les puits descendent jusqu’à 4m de profondeur dans cette vallée, ceux de Ndoumboudj descendent à 14 m (1).
Recueillir l’eau de pluie
Il est assez sidérant que personne ne pensent à recueillir l’eau de pluie en provenance des toits des maisons. Ce sont des milliers de litres coulent sur les toits des bâtiments de la ferme.
En 2020, l’asbl Asmae finance, via une fondation, l’installation de gouttières et de « Calabash » (2) d’une capacité de dix mille litres d’eau.
Lors de la saison des pluies (juillet-novembre), la ferme va recueillir plus de 35 m3 d’eau. (3)
Plantation d’arbres
La collecte d’eau de pluie, par tous les moyens passent aussi par la plantation d’arbres. La ferme de Ndoumboudj a planté ce mois de janvier des fruitiers. (manguiers, citronniers, orangers, pomme cannelle et bien d’autres encore). Au mois de juin, ce sera le tour des cocotiers à planter, pour assurer une diversité des arbres. La ferme a pris le parti de garder des neem qui ont plus d’utilité que de donner uniquement de l’ombre. La plante de Mbamkhannasé montre donc clairement l’importance de la présence de plantes pour humidifier la savane. Il est urgent de planter plus d’arbres à Ndoumboudj et dans ses environs immédiats.
Nous avons passé 13 jours magnifiques avec une belle équipe de jeunes sénégalais motivés pour se lancer dans la grande aventure de la mise en place de la ferme-école. Ils deviennent les moniteurs de cette ferme qui accueillera dès cette année plusieurs jeunes en stage.
Géry de Broqueville
(1) Et encore, il faut réaliser une mise en eau de 3 mètres tous les deux ans. Un puisatier descend le puits de trois mètres supplémentaires pour atteindre le sommet de la nappe phréatique. Celle-ci descend chaque année au vu du nombre de forages de plus en plus profond dans la région.
(2) Les Calabash sont une invention en provenance de Guinée-Bissau mais qui a commencé à s’installer au Sénégal ces dernières années.
(3) Le puits fait donc 14 m de profondeur. En visite au Sénégal, sur le projet, nous avons proposé de réaliser, via une société spécialisée un mini-forage de 10 m de profondeur en partant du fond du puits ce qui permettra d’avoir 8 mètres d’eau de manière constante tant en période sèche qu’en temps de pluie. C’est actuellement la solution la moins chère pour obtenir beaucoup d’eau.