C’est avec les tomates régionales que nous commençons une série sur les légumes anciens testés dans notre potager expérimental. Étant à la fin de la saison des tomates, il est temps d’en décrire quelques unes bien de chez nous que nous avons semées en 2019 et 2020.
Tout en habitant la Belgique, nous ne devons pas rougir du nombre de kilos de tomates récoltées sur une saison. Au vu de la position de la Belgique sur la carte du monde, c’est-à-dire entre le 50e et le 52e parallèle, mine de rien, nous sommes déjà fort au nord. Il est probable que nous ne pouvons pas atteindre les 25 kg, en moyenne, par plant de tomates de chez Pascal Poot, situé dans l’Hérault. Nous avons tout de même de la chance de pouvoir produire des tomates de Belgique adaptées, à travers les ans, à nos terroirs et climats.
Adaptation par croisement
L’ancêtre de la tomate serait une physalis apparue il y a environ 50 millions d’années. La tomate actuelle est originaire de la côte andine de l’Amérique du Sud (Chili, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela). Avant son arrivée en Europe, la grosseur ressemblait plus à la tomatille qui est une physalis. La première tomate domestiquée avec un gros fruit date du début du XVIe siècle au Mexique.
Elle est arrivée en 1523 en Espagne, en 1544 en Italie, vers 1600 en Provence. Dans son livre « Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs » (1), Olivier de serres la décrit comme plante ornementale. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour considérer la tomate comme une variété potagère que l’on trouve dans deux restaurants parisiens. Le président Jefferson a implanté la tomate aux États-Unis au début du XIXe siècle. Il faut attendre 1946 pour créer la première tomate hybride F1 aux États-Unis, suivie notamment par l’INRA (2), en France.
En 1848, pour la première fois, un jardinier de Vilvorde a réussi à faire pousser des tomates en serre, en Belgique. Depuis lors, les centres horticoles belges ont adapté les tomates à notre climat septentrional en assurant des croisements pour les rendre plus résistantes.
Ainsi, nous avons déjà découvert et testé la tomate « Prolifique de Falisolle », la « Verte de Huy », la « Rouge potager de Vilvorde » et la « Rouge Joffre » que vous pouvez trouver chez Semailles qui sont des variétés actuelles issues de croisement.
Adaptation par la résistance des semences
La seconde manière d’adapter des tomates au climat est celle de Pascal Poot. Ce dernier est d’origine belge et pousse les tomates dans leurs derniers retranchements, comme nous allons le voir ci-dessous. La tomate « Jaune de Belgique » est capable de résister à des périodes de forte humidité mais aussi de forte chaleur et sécheresse ! Pour réussir ce grand écart, Pascal Poot récolte les graines des tomates capables de résister à la chaleur mais aussi aux périodes d’humidité, voire de gel en fin d’année. Il apporte de l’eau en abondance au moment du semis où la graine doit faire corps avec le terreau et au moment du repiquage. Il ne tuteurise jamais les tomates (5). Le reste du temps, il laisse la tomate vivre sa vie en la forçant à chercher l’humidité profondément dans le sol.
Les tomates belges
La prolifique de Falisolle
La Prolifique de Falisolle a été développée par un collectionneur belge, Luc Fichot. La variété a été fixée en 2012, par Jean-Michel Rouffiange. Cette petite tomate rouge allongée en forme de fuseau terminée par une pointe, pèse entre 50 et 120 grammes. Il faut reconnaître qu’elle porte bien son nom tant elle est prolifique.
Luc Fichot est décédé en novembre 2007 et était possesseur de graines de 1200 variétés de tomates. Sa veuve a transmis les semences au Centre de techniques horticoles de Gembloux (CTH). Ce centre fait partie de l’Institut technique horticole appartenant à la Fédération Wallonie Bruxelles. Luc Fichot avait récolté les graines en 2001 et 2002. Le Centre a procédé au semis de ces graines en 2012 en vue de leur conservation sur le long terme. 14 variétés n’ont malheureusement donné aucun résultat, ce qui ne veut pas dire que ces tomates n’existent plus. Elles ne font plus parties de la collection (3). Il ne faut pas confondre la Prolifique avec la « Productive de Falisolle » qui est aussi une création de Luc Fichot. Cette dernière est le résultat d’un croisement entre la Blanche d’Anvers et d’une variété inconnue.
Réalisé le plus tôt possible, les semis donneront de belles récoltes en pleine saison. Début septembre, les plants de tomates donnent des signes de faiblesse en se faisant rapidement attaqués par l’oïdium. Ce trait de caractère est valable aussi pour la verte de Huy que nous avons décrit à la fin de l’article précédent.
La rouge Joffre
Considérée comme une variété ancienne la tomate « Joffre » apparaît vers 1950, en Belgique. Le catalogue Vilmorin l’a inscrite pour la première fois, en 1929 (4). Cette petite tomate (80 à 150 g) rouge à peau lisse est d’origine française, portant le nom du général Joffre. Elle est précoce et a un bon rendement. Sa peau est dure et sa chaire est fruitée. La plante peut monter jusqu’à 200 cm. Nous l’avons repiquée en pleine terre et en serre. C’est dans la serre qu’elle nous a donné le meilleur rendement en 2020.
Potager de Vilvorde
La potager de Vilvorde est une tomate de couleur rouge, charnue, gouteuse qui est assez abondante. Nous avons repiqué deux plants dans la serre et deux en extérieur. La production était plus importante en extérieur bien qu’elle fait partie de celles qui ne jouent pas les prolongations. Il faut récolter toutes les tomates avant la date fatidique du 15 septembre. La tomate « Potager de Vilvorde » aurait été créée vers 1930 par l’école d’horticulture de cette ville, en mémoire du premier jardinier qui avait réussi à faire pousser des tomates en Belgique (voir ci-dessus).
La jaune de Belgique
Cette attaque de l’oïdium vers la mi-septembre n’a pas eu lieu avec la « Jaune de Belgique » que nous avons repiqué en pleine terre. Les dernières tomates jaunes foncées voire orangées ont été récoltées fin septembre. Nous avons déniché la « Jaune de Belgique » au « Potager de santé » de Pascal Poot.
Bien qu’elle porte le nom de notre pays cette variété serait originaire d’Allemagne, connue dès 1850. Selon Kokopelli, elle porte le nom de Yellow Belgium très réputée aux USA. Elle est considérée comme très ancienne variété. Elle pourrait être issue de la variété à fruits roses « Giant Belgium développée dans l’Ohio.
La taille du plant de la Jaune de Belgique est de 80 à 120 cm. Son fruit va de 150 à 300 g. Nous reconnaissons que nous n’avons pas encore obtenu ces types de poids. Faut-il que cette tomate s’adapte à notre terroir ? L’année prochaine nous parlerons d’autres tomates régionales.
Géry de Broqueville
(1) La première édition du livre d’Olivier de serres est de 1600. La maison d’édition Actes Sud a reproduit l’intégralité du texte en vieux français, en 2001.
(2) INRA : Institut national de recherches agronomiques.
(3) Il est possible de télécharger un pdf en cliquant ici qui vous donnera une partie de la liste des semences de la collection Fichot.
(4) Le catalogue Vilmorin est le plus ancien de tous les catalogue français. Sa première publication date de 1778 alors que l’entreprise a été créée en 1743.
(5) Au vu du peu de pluie annuelle dans sa région (300 mm), ses tomates reposants sur le sol, ne risquent pas de pourrir !