Ces derniers jours, est apparu sur le Net, un extrait d’une page écrite en 1268 de Thomas-Joseph Moult, nous annonçant que 2021 sera une année froide. Cela sent le complotisme à plein nez ! Et si c’était vrai ? Le mois d’avril est déjà considéré comme le plus froid de ces 30 dernières années. Nous avons eu des températures largement inférieures aux moyennes de saison. Le mois de mai est pareil. Delà à affirmer maintenant que 2021 sera une année froide est évidemment prématuré (1). Soyons attentifs au déroulement de cette année pour faire mentir, ou pas, cette prédiction.
Cette information, je la dois à Yannick Van Doorne, cet ingénieur civil qui partage ses connaissances et recherches sur l’électroculture à travers des formations ou son site Internet. Et comme tout bon chercheur, je ne me contente pas de prendre, pour argent comptant, la photo de la page qui nous parle de l’année 2021. Je vérifie. Effectivement, dans la base de donnés Gallica, de la Bibliothèque Nationale de France (BNF), je retrouve le livre intitulé « Les prophéties perpétuelles très curieuses et très certaines qui auront cours jusqu’à la fin des siècles faites en France en 1268 par Thomas-Joseph Moult« . Ce livre est écrit par Thomas-Joseph Moult qui se présente comme astronome et philosophes, natif de Naples. La première publication connue de ce livre remonterait à 1743 mais celle en possession de Gallica date de 1867 écrite et complétée par Charles-Joseph Moult « L’un de ses descendants« . Ce livre est consacré à « prédire l’abondance et la disette des blés et des vins« .
Nous ne saurons probablement jamais si effectivement des éditions ultérieures à 1268 ont été publiées. Mais les prophéties commencent avec l’année 1269. Les travaux de Thomas-Joseph Moult tournent autour de l’analyse des années solaires (2). Ainsi, dans la préface, il signale que « ces prédictions générales et climatériques doivent arriver pendant le cours de chacune des neuf années comprises sous chaque nombre solaire, et quant à mes prédictions particulières insérées ensuite des générales, sous le même nombre solaire. » Il laisse à ses lecteurs le soin d’observer les années qui les concernent. En attendant, les nombres solaires existent en astrologie et non pas en astronomie.
Astronomie versus astrologie ?
Les observations sur notre astres lumineux qui a amené l’astronome-philosophe a déterminer ce qui va suivre. « Le soleil (…) fait son tour par 28 nombres qui contiennent 28 années. Savoir Fer, Quar, Jur, (…), Cur, Garitier, Beus et Ador. Il faut noter que le soleil met un an entier à faire son tour parmi les 12 signes : Ariès, taurus (…). » Nous n’irons pas plus loin dans les explications assez obscures pour un néophyte en astrologie. Moult explique tout de même que « Toutes choses terriennes sont muables, dit le philosophe : et Dieu le sait. » Petite mesure de précaution au cas où ils s’est trompé dans ses calculs.
Les prédictions de Thomas-Joseph s’arrêtent en 2024 au risque d’ennuyer ses lecteurs par les répétions des données qui progressent tous les 28 ans en sachant qu’il part de l’année 1269. Chaque année dépend d’un des 28 nombres solaires. Nous retenons le 25e nombre qui est appelé Dur qui est celui qui correspond à la description des années froides qui nous concerne, 2021. Il faut atteindre la page 87 pour effectivement avoir la description de cette année-là.
Qu’en dit l’IRM ?
Il est vrai que le printemps n’a pas été top chez nous. La végétation est en retard d’au moins trois semaines. Le gel qui a eu lieu, en partie en Belgique, surtout en France, de ce mois d’avril à impacter les vignerons. La prédiction se réalise en partie en tout cas à l’heure où j’écris ces lignes. Mais regardons les archives de l’IRM pour les années qui précèdent et spécialement 1993, 1965, 1937, 1909, 1881 et 1853 qui sont la années les plus froides selon les calculs de Moult.
L’année 1993 a connu un record de chaleur. L’année 1965 fait partie des années froides de cette décennie mais c’est l’année 1963 qui est la plus froide. Pour ce qui est de 1937, elle est en moyenne plus chaude que les autres années de sa décennie. Il faut attendre 1940 pour avoir une année très froide or il annonce une année moite, pluvieuse avec tout de même un hiver froid. Chose étonnante, il annonce pour cette année-là le début d’une « Grande guerre entre les princes chrétiens et des combats navals » Il en sera de même en 2024. Nous sommes avertit !
En 1909, L’année n’est pas plus froide que la moyenne de la décennie. L’année la plus froide reste 1902. Il en va de même avec 1881 dont la moyenne est plus chaude que 1879. Enfin 1853 est dans la bonne moyenne de la décennie. Les prédictions de Thomas-Joseph Moult s’avèrent inexactes pour la Belgique. Donc, les prédictions de 2021 sont à prendre avec des pincettes. Il est vrai aussi qu’il ne pouvait pas savoir qu’il allait y avoir un dérèglement climatique qui amène des moyennes de températures de plus en plus chaudes. Il ne pouvait pas le prédire parce qu’il s’est basé sur une observation théoriquement immuable que sont les nombres solaires.
Cela nous fait une belle jambe !
En tout cas nous voici prévenu ! Ce texte plus léger que les autres, nous montre en fin de compte que nul ne peut prédire l’avenir, Même les madames Soleil qui pullulent sur la planète n’arrivent pas à nous prédire l’avenir à un an près ! Rien ne vaut une bonne application à observer chaque jour pour découvrir les supputations des modèles mathématiques…
Pour notre part, nous privilégions celle de l’Institut royal de météorologie (IRM), situé à Uccle (Bruxelles). Il faut reconnaître que leur appli a fait d’énormes progrès ces dernières années, d’autant qu’ils ont intégré le radar des pluies. Nous complétons les informations avec des informations en provenance de Météo France puisque les vents dominants proviennent du Sud-ouest.
Cette conclusion me fait penser que je devrais écrire un texte sur Maria Thun, spécialiste de la Lune, qui ne prédit pas l’avenir météorologique, mais bien indique, par ses nombreux travaux, les moments favorables ou défavorables pour semer, planter, repiquer et récolter nos légumes. Elle est l’auteur de ce fameux calendrier lunaire des semis biodynamiques.
Géry de Broqueville
(1) Nous ne pouvons de toutes façons pas comparer ce que nous vivons dans notre potager à Hoeilaart avec les températures, par exemple, de Torgny qui est le village le plus au sud de la Belgique. C’est ainsi qu’en 2019, nous avons eu une drôle de météo, alors que 2021. Ce qui est sûr déjà, c’est qu’avec le retard de croissance, nos fèves et petits pois ont du mal à sortir en pleine terre !
(2) Wikipedia donne cette définition pour les années solaires : « L’année tropique, ou année équinoxiale ou encore année solaire correspond à la périodicité des saisons terrestres: elle est définie comme l’intervalle de temps au bout duquel la position apparente du Soleil vue de la Terre, définie par la longitude moyenne du Soleil sur son orbite apparente (voir écliptique) à la même valeur. C’est la durée moyenne qui sépare le commencement des différentes saisons.