Dans notre livre « Pas à pas vers une terre vivante » nous insistons beaucoup sur la présence d’arbres dans le potager. Et si ce n’est pas dans le potager immédiat, la présence d’arbres dans l’environnement est un plus. Il en va de même pour le maraîcher ou l’agriculteur sur grandes surfaces.
Dans le potager Pas à Pas à Hoeilaart, nous plantons des arbustes pour créer lentement mais surement une forêt nourricière. Non seulement, les aronies, les amélanchiers, les cognassiers, les prunus et bien d’autres espèces encore colonisent nos espaces potagers. Il reste assez de place pour semer tous les types de légumes.
Nous densifions ainsi le couvert végétal de telle sorte qu’il faudra moins arroser même en cas de canicule. Le couvert végétal permet de garder l’humidité le plus longtemps possible dans le sol. Planter une forêt nourricière ne se fait pas du jour au lendemain. Cela met du temps. C’est pour cela que vous devez commencer assez tôt dès que vous lancez votre espace nourricier.
Recréer des forêts primaires
Dans notre livre, nous avons expliqué qu’il faut 700 ans pour recréer une forêt primaire tropicale et 1000 ans en pays tempéré. En Europe, la dernière forêt primaire se trouve à cheval sur la frontière polonaise et biélorusse. C’est la forêt Białowieża avec ses 125.000 ha en surface protégée. L’Unesco l’a reconnue comme réserve de la biodiversité en 1976 et patrimoine mondiale en 1979. Le gouvernement polonais a décidé d’exploiter une partie des arbres, en coupant pas moins de 180.000 stères de bois. Or le terme « primaire » à propos de la forêt signifie que l’homme n’a jamais exploité les ressources de la forêt.
Françis Hallé est un chercheur, de renommée internationale, en botanique et en biologie végétale. Il a lancé le pari fou de recréer une forêt primaire en Europe. Il s’agira de la créer à partir d’une forêt existante transfrontalière de 70.000 ha. (1) Cela pourrait se faire entre la Belgique et la France, la France et la Suisse ou à la frontière espagnole. Le choix définitif sera réalisé fin de cette année. L’homme a tout intérêt de recréer des forêts primaires non seulement pour lutter contre le réchauffement climatique mais aussi pour restaurer la biodiversité. Une telle forêt va aussi permettre la création d’un nouvel équilibre hydrique. Il y va aussi de la survie de l’espèce humaine et par extension tout ce qu’elle produit de positif comme la rechercher, les arts, la citoyenneté. Francis Hallé a lancé un manifeste que l’on peut trouver sur son site Internet.
Les forêts Miyawaki
La concentration humaine est parfois trop importante pour pouvoir imaginer lancer une forêt primaire. A Mulhouse, une forêt Miyawaki est en train de voir le jour le long d’une autoroute. Il s’agit de condenser une grande variété d’arbres sur une petite surface. Nous sommes au nord de Mulhouse, le long de l’A36, le long de la promenade Doller. 24.000 arbres, d’environ 40 espèces locales, seront plantés sur 8.000 m2. La canopée atteindra 30 mètres de haut. Les arbres moyens auront 6 à 10 m et les plus petits auront 1,5 à 2 m à l’âge adulte.
Il est prévu que cette forêt se développe de manière naturelle durant 30 ans sans aucune intervention humaine. Durant les 3 premières années, les adventices gênants la croissance des jeunes plants seront retirées. La ville de Mulhouse envisage de créer ainsi 34 ha de bois naturel pour lutter contre la pollution, le réchauffement de la ville et devenir un poumon vert pour les habitants tout en étant un espace de stockage du carbone.
L’idée provient d’un botaniste japonais, expert en biologie végétale et professeur à l’université nationale de Yokohama, Akira Miyawaki, âgé de 90 ans. Il a mené des expériences de cette nature au notamment au Japon avec une méthode ancestrale de « végétation potentielle naturelle » (Senzai shizen shokysei). La méthode est libre d’accès à tous et a permis de créer déjà plus de 3000 forêts de ce type dans le monde. La densification est trente fois plus importante qu’une plantation classique et apporte cent fois plus de biodiversité. Les plantes vont s’entraider pour créer un espace de résilience.
Contrairement aux croyances, les racines entre les arbres si proches les uns des autres, ne vont pas devenir concurrentes. Elle vont pousser vers le bas pour mieux s’ancrer et chercher plus facilement l’humidité et les oligoéléments. Il en va de même dans le potager où « Pas à Pas vers une terre vivante » prône la densification des légumes et des arbustes !
Europe-Afrique même combat !
Et il en va de même chez nos amis sénégalais de Ndoumboudj. Non seulement ce sont des cocotiers qu’ils plantent mais aussi des arbres fruitiers. Pour le moment, il n’y a pas de densification des arbres chaque plante devant trouver son espace pour permettre aussi la plantation de légumes. Les cocotiers sont plantés en carré de 10 m de coté, ce qui permet à la fois aux palmes de se développer et d’offrir un microclimat aux légumes et arbustes fruitiers se trouvant à l’étage inférieur. Ce n’est pas pour rien que le Sénégal participe à l’établissement de la « ceinture verte » ou « muraille verte » qui part de ce pays vers Djibouti faisant 7100 km de long et en moyenne 15 km de large pour lutter contre le réchauffement climatique et l’avancée du désert.
Comme nous pouvons le voir, que l’on se trouve dans son potager, dans un espace maraîcher ou dans ses champs de plusieurs dizaines d’hectares (2), La densification des arbres est fondamentale.
Géry de Broqueville
(1) L’idée de placer une réserve naturelle transfrontalière obligera l’Union européenne à se saisir de cette question d’avenir fondamental du vieux continent.
(2) L’agroforesterie fera l’objet d’un prochain article.