Dans l’hémisphère nord, les potagistes que nous sommes sont très souvent obnubilés par les trois jours des saints de glace que sont les 11-12 et 13 mai. Avec le réchauffement climatique, ne faudrait-il pas commencer à penser les choses autrement ?
Depuis moins de 10 ans, nous pouvons constater que les saints de glace ne tiennent plus leur promesse de gel nocturne. Les trois saints, en Belgique, sont saint Mamert (11 mai), saint Pancrace (12 mai) et saint Servais (13 mai). (1) Dans cette liste, nous oublions souvent saint Boniface qui, selon l’adage du 14 mai : « Le bon saint Boniface entre en brisant la glace« , finalise ces jours frisquets. Le 15 mai est la fête de Sainte-Sophie qui clos, selon l’Alsace et les contrées d’outre-Rhin, définitivement cette période. Les Bretons attendent la saint Yves, le 19 mai car selon l’adage « Craignez le petit Yvonnet. C’est le pire de tous quand il s’y met », il n’est pas étonnant d’avoir encore un coup de gel après la mi-mai.
Dans les régions plus méridionales, c’est-à-dire plus chaudes, les périodes de gel sont plus précoces. Ainsi dans le midi de la France, les saints de glace sont appelés les saint cavaliers ou chevaliers. Ce sont les saints qui commencent le 23 avril par la saint Georges, le 24 avril est la saint Fidèle, le 25 fête la saint Marc et ainsi de suite. La période de gel plus intense se décline donc du 23 avril jusqu’au 5 mai.
Prenons les épisodes de gel ces dernières années. Du 23 au 26 avril 2017, lors de chacune des nuits, la température, entre 2h et 5h, du matin est descendue en dessous de -10°C, sur toute l’Europe. Les températures négatives ont eu raison de bons nombres d’espace potager, maraîcher, verger, etc. Les régions viticoles ont lutté contre ce fléau en plaçant des ballots enflammés de paille mouillée. Un épais brouillard a ainsi recouvert certains vignobles, notamment dans le Bordelais ou la Bourgogne. Les températures sont remontées d’une dizaine de degrés pour sauver tout ou partie des vignobles. Dans le Bordelais, les viticulteurs ont réussit à sauver 60% de leur production. Évidemment, l’empreinte écologique est désastreuse. Certains ont utilisé des hélicoptères pour rabattre le vent chaud vers le sol !
Hypothèse : glissement des saints
Les années noires pour les vignerons se succèdent et se ressemblent comme 1991, 1997, 2003, 2017 et même 2021. Selon les syndicats de vignerons l’année 2021 est la pire de toutes les années. Le gel a eu lieu en dehors des saints cavaliers, le 6 avril, soit 17 jours plus rôt ! La température a dégringolé de 30°C en 10 jours. Les plantes n’ont pas eu le temps de s’adapter à ce changement brusque de température. La croissance a été stoppée nette. Les bourgeons ont grillé malgré les brûlots installés partout. Les estimations de pertes, pour 2021, se montent entre 80 à 90% !
Les vignerons et probablement bien d’autres agriculteurs comme les arboriculteurs ont dû pleurer toutes les larmes de leur corps. (2) Fort heureusement, la Belgique n’a pas été autant touchée par ces grands froids, alors que le gel de 2017 avait touché toute l’Europe.
Statistiquement, les trois saints de glace retenus par la Belgique (Mamert, Pancrace et Servais) nous donnent; de moins en moins souvent, des gelées. Il est probable qu’avec le réchauffement climatique, il y ai un lent glissement vers plus de précocité des gelées. Il faudra, probablement, être plus attentif, les années suivantes aux dates des saints cavaliers, à partir du 23 avril, pour préparer la lutte contre le froid, dans cette période.
Nous avions déjà parlé dans quelques uns de nos articles de ce froid qui arrivent à des moments inédits. (3) S’il y a glissement des gels, vers la fin avril, soit 15 jours plus tôt, il est probable que l’on dise un jour que l’on ne pourra repiquer qu’à partir du 1er mai, par exemple. Le réchauffement climatique est en train de faire mentir les saints de glace. Le 11 mai 2021, l’IRM annonce 8°C minimum à Hoeilaart et 6°C pour la nuit suivante. Nous sommes effectivement loin des gels traditionnels connus depuis les temps immémoriaux !
Géry de Broqueville
- Selon les régions, le nom change. Selon certains calendriers populaires les saints de glace portent les prénoms de Estelle, Achille et Rolande, plus à la mode et qui correspondent à des prénoms en vogue dans les années 1960.
- Pour découvrir certaines techniques utilisées contre le gel, cliquez sur ce lien.
- Un des articles date de 2019 que vous pouvez lire en cliquant ici.