La punaise arlequin (Graphosoma lineatum) s’intéresse particulièrement aux graines de certaines plantes. De son ancien nom latin, Graphosoma italicum, on pourrait croire qu’elle est originaire de la péninsule. Elle doit cet adjectif à son nom qui est l’arlequin. Nous allons découvrir à quoi, il sert dans la nature. Généralement il ne semble pas inquiéter les potagistes car on le retrouve rarement parmi les animaux détestés du potager.
Le Graphosoma italicum 1 qui est devenu récemment le Graphosoma lineatum, égaye le potager par ces deux belles couleurs lignées noir et rouge avec une taille entre 8,5 à 11 mm. Il est parfois appelé Pentatome italien, ou encore Graphosome rayé. Pentatome fait référence au nom de la famille zoologique de la punaise qui est celle des Pentatomidae. Le second nom fait référence à la notion de « graphisme » au regard du dessin sur la carapace. La famille des Pentatomidae regroupe les insectes hémiptères 2 du sous-ordre des hétéroptères (punaises) dont les antennes ont cinq segments contrairement à la majorité des autres familles qui en ont quatre. Notre arlequin fait donc partie du sous-ordre des hétéroptères avec la quantité de plus de 30.000 espèces terrestre et aquatique dans le monde. Il y a environ 640 espèces de punaises en Belgique.
Les Graphosoma italicum tendent fréquemment à plus ou moins se regrouper, mais a priori sans interaction apparente entre les individus.
Une vie communautaire
Ses rayures est un indicateur pour les prédateurs de son goût désagréable. C’est d’ailleurs pour cela que l’on dit que pour tuer une punaise, il faut éviter de l’écraser. Elle dégagera une odeur pestilentielle. Cette couleur est un moyen de défense et de protection pour la punaise.
La punaise arlequin possède une paire de glandes odorantes qui s’ouvrent par un minuscule orifice situé à la base de la troisième paire de pattes sous le thorax, une signature évolutive de ce groupe. Ces glandes secrètent un mélange complexe de dizaines de substances chimiques volatiles, à base d’aldéhydes et des molécules complexes à base de carbone et d’hydrogène (alcènes, alcanes, …) dont l’odeur et la puissance varient d’une espèce à une autre, même si il y a des points communs. C’est l’odeur désagréable associée qui vaut aux punaises leur nom, à partir de l’adjectif punais (dérivé de puer, putere en latin), peu usité, signifiant « qui sent mauvais ».3
Le Graphosome d’Italie monte sur les fleurs des ombellifères pour se reproduire. 4 Qui n’a pas déjà vu cette curieuse position de tête-bêche au moment de la reproduction des arlequins, comme de la majorité des punaises. 5 Cette union peut durer des heures. L’un des partenaires peut continuer sa marche entrainant son partenaire à sa suite. mais à la moindre alerte la désunion est instantanée ! La femelle est plus grande que le mâle.
La femelle va pondre de tous petits œufs de couleur blanche, par exemple, le long d’une feuille de fenouil par exemple. Elle les pondra à la queue leu-leu, en file indienne, quoi !
Le Graphosoma lineatum piqueur-suceur
Par le fait que la punaise Arlequin face partie des Hémiptères, il est, à l’instar des pucerons, un insecte piqueur-suceur. Ces derniers font parties du sous-ordre des Aphidés.Toutes les punaises sont munies d’un appareil buccal sous forme d’aiguille qui leur permet de sucer, selon son espèce, de la sève ou du sang. Parce que, oui, toutes les punaises ne sont pas aussi sympa que l’arlequin. Certaines punaises comme l’embusquée, la réduve ou les orius sont des punaises tueuses. Elles tuent les abeilles, les syrphes, les coccinelles et… les punaises végétariennes. 6
La punaise arlequin va transpercer et sucer les graines des berces, cerfeuils, angélique et de nombreuses ombellifères 7 comme la carotte, le fenouil, le panais (Pastinaca sativa), berces, angéliques, anthrisques, coriandre, fenouil, panicauts, panais,…. La Graphosoma lineatum ne fait pas partie des punaises prédatrices. Puisqu’elle préfère les graines, elle ne fait pas de dégâts majeures dans l’agriculture.
Les prédateurs de l’arlequin
En fait, il a peu de prédateurs. Les habituels prédateurs insectivores, tels les oiseaux, sont en effet fort peu enclins à s’attaquer à ce type de punaises au vu de la coloration rouge et noire laisse présager un goût insupportable par son âcreté, et parfois même carrément toxique. La juxtaposition du noir et du jaune suscite la même défiance, car ces couleurs rappellent la livrée des insectes piqueurs (guêpes et frelons notamment), et donc la notion de danger. Ces colorations, ayant valeur d’avertissement sont qualifiées d’aposématiques 8, et comme toujours il y a des profiteurs, de nombreux insectes ainsi parés étant totalement inoffensifs … et bien sûr consommables !
Le plus grand prédateur est la mouche tachinaire Tachina fera. Cette mouche relativement imposante injecte ses œufs dans le corps de la punaise. Les larves vont consciencieusement manger l’intérieur de la punaise jusqu’à en laisser une carcasse vide.
La Tachina fera est une auxiliaire du potager car elle s’attaque à tous les types de punaises végétariennes, le coléoptère et les chenilles. Elle procède toujours de la même façon en injectant ses œufs dans le corps de l’insecte. Elle es attirée par les fleurs des Apaicées et des Astéracées principalement pour nourrir les adultes. Les mouches tachinaires resteront dans votre potager si elles trouvent des bandes, des massifs fleuris et en plein soleil. 9
Une guêpe parasitoïde de la famille des Ichneumons pond ses œufs dans les œufs des punaises végétariennes comme la Graphosome d’Italie. Cet insecte du genre hyménoptère est une guêpe très peu connue et pourtant bien présente dans toute l’Europe. C’est un très bon auxiliaire du potager car il parasite la majorité des insectes ravageurs, mais surtout les chenilles en s’y établissant et en se nourrissant de l’intérieur de l’animal. Il vit dans différentes plantes notamment l’achillée millefeuille. 10
Il semblerait que la théorie de la couleur lignée noir et rouge montrant aux prédateurs que l’insecte n’est pas bon à manger devrait être nuancée. L’auteur de Zoom nature termine son texte en expliquant que bon nombre de punaises malodorantes servent tout de même de nourriture aux oiseaux. (voir note 3).
En conclusion…
Dans les formations de Pas à Pas vers une terre vivante 11, très souvent des participants pensent que tout ce qui bougent dans le potager est mauvais. Combien de fois, je n’ai pas entendu des personnes demander comment il faut supprimer tous les insectes du potager. Ces personnes sont persuadées que seules les abeilles ou les bourdons (et encore !) ont le droit de vivre dans le potager. Cet article et bien d’autres qui suivront montre à souhait qu’il vaut mieux laisser la nature faire les choses comme il faut. Parfois il faut l’aider en y introduisant des plantes ou des animaux qui vont attirer les auxiliaires du jardin.
Même les punaises tueuses ont leurs prédateurs qui sont différents de l’être humain. C’est à nous de trouver lesquels dans la nature. C’est en observant et en comprenant le pourquoi de l’existence de chaque insecte que l’on va réussir à gagner en biodiversité dans les jardins. L’unique solution pour une terre productive est de travailler sur cette augmentation de biodiversité, que ce soit en ajoutant des arbres, des animaux, des plantes… C’est cela la vie !
Géry de Broqueville
- Il ne faut pas confondre avec le Graphosoma lineatum qui est aussi rayé mais noir et orange clair ou noir et jaune. celui-ci a des pattes rouge alors que l’arlequin a des pattes noires. ↩︎
- Les hémiptères regroupent les punaises, les pucerons, les cigales, les cicadelles et les cercopes, les mouches blanches (aleurodes). Hémiptère signifie ‘moitié d’ailes’, en référence aux ailes antérieur de certains groupes qui sont mi-transparentes, mi-durcies. Voir le livre de Gaël Cardinal et Raphaël Sané, Insectes, Ed. Tana, Les carnet du Scarabée, 2023, p.74. ↩︎
- Cette explication odorante provient du site Internet Zoom nature. ↩︎
- Collectif, Le guide nature, les petites bêtes, ed. Salamandre, 2020, p.79. ↩︎
- Un excellent site Internet présente l’accouplement des hémiptères. ↩︎
- Eric Grissel, Les insectes au jardin en quête d’un jardin écologiques, ed. Rouergue, 2001, p.189. ↩︎
- Ombellifère est l’ancien nom pour ce qu’on appelle actuellement les Apiacées. ↩︎
- L’aposématisme est la capacité qu’ont certaines espèces (généralement des animaux, parfois des plantes) d’émettre un signal d’avertissement clairement perceptible par de potentiels prédateurs. Ce signal peut être visuel (le plus souvent une couleur), sonore ou olfactif (émission de molécules sémiochimiques répulsives). Un tel signal de défense contre les prédateurs avertit ces derniers d’un danger qu’ils doivent éviter : substances toxiques. ↩︎
- Vincent Albouy, Plus de biodiversité, moins de ravageurs !, Ed. Terre vivante, 2023, p.99. ↩︎
- Florian t’Serstevens et Géry de Broqueville, Pas à Pas vers une terre vivante, 2020, p.350. ↩︎
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