C’est en travaillant sur le document des bonnes adresses que nous donnons à ceux qui participent à nos formations que je suis tombé, par hasard, sur un article décrivant l’histoire d’un tuyau qui porte un nom très romain. Cela saute au yeux que l’article parle d’un aqueduc. Oui et non. Comme nous allons le voir, c’en est un sans l’être !
Soyons clair, l’Aqua Domitia n’est pas un aqueduc puisqu’il est enterré sur sa longueur de 140 km. Pourtant il a la même fonction que l’aqueduc. Ce tuyau prend sa source dans le Rhône et termine sa course actuelle à Narbonne. Le projet était, au départ, de donner la possibilité aux Catalans de s’abreuver et d’avoir une eau rhodanienne. C’était sans compter sur les courtes vues des politiciens espagnols qui ont refusé de faire confiance aux français qui allaient avoir la main sur le robinet de départ. Il n’est donc pas question, à l’heure de la coopération européenne de dépendre à ce point d’un autre pays. Et puis les Français se sont dit qu’ils n’allaient pas soutenir le développement agricole de leurs voisins. Les élus se sont dit que ce projet n’allait pas servir puisque la sécheresse n’atteindrait jamais l’Occitanie !
De l’eau venue d’ailleurs !
La sécheresse est bien arrivée. Le Languedoc n’en peut plus de souffrir du manque d’eau. Tout au long de long tuyau se sont greffés des maillons pour irriguer des surfaces comme du côté de la Camargue gardoise et le vignoble des Costières de Nîmes (630 ha). À l’heure où l’eau représente un enjeu stratégique en termes d’aménagement du territoire pour l’urbanisme, le tourisme et l’agriculture, celle fournie par Aqua Domitia ne sert qu’à sécuriser les besoins. Sa conception date d’avant la sécheresse qui assoiffe peu à peu l’Occitanie et le pays catalan.
La crise climatique qui sévit dans le sud de la France, change totalement la donne. Les agriculteurs ou viticulteurs qui se trouvent le long de Aqua Domitia étaient très contents de recevoir cette eau, mais actuellement, il n’y en a plus assez pour tout le monde, alors que la demande explose. 1
Aqua Domitia n’a pas été dimensionné pour alimenter la région face à une pareille sécheresse. D’autant que cette canalisation enterrée n’a jamais fait l’unanimité, symbolisant la privatisation de l’eau et un frein au développement durable et à la sobriété. Face à l’urgence, son doublement est désormais envisagé. La Région envisage le lancement de l’Aqua Domitia II !
Est-ce une bonne solution ?
Tous les détournements d’une partie ou de la totalité d’un fleuve ont toujours échoué dans l’histoire de notre monde. Tous sans exception. N’est-il pas temps de penser les choses différemment ? Il est probable que Aqua Domitia II verra le jour vers 2028. mais les demandes sont telles que ce pipeline sera très vite sous-dimensionné. On ne va, quand même, pas en construire des dizaines au point où le Rhône en aval sera asséché… La guerre civile de l’eau risque de se déclencher.
Il faut donc chercher d’autres solutions. L’année dernière, début février 2023, je suis allé du coté du barrage de Saint Cassien sur la commune de Montauroux. La rivière qui en découle se jette plus au sud dans le Rhône. J’ai été étonné de voir un niveau d’eau extrêmement bas. Selon les photos prises (voir ci-dessous), il manquait au moins 3 m d’eau. Le pont qui enjambe le lac (D37) montre bien le déficit de l’eau. Cela fait un paquet de m3 d’eau manquante alors que le lac couvre 430 hectares. A cette époque, il n’y avait plus de pluie depuis 5 mois.
Le paysage naturel est principalement constitué de conifères, de feuillus et de maquis. On peut noter deux zones à tendances différentes : au sud, chêne liège et pin maritime. au nord, chêne liège et chêne blanc. Le paysage est constitué d’une mosaïque d’endroits différents, qui forment des habitats pour plus de 160 espèces d’oiseaux nicheurs ou migrateurs ou de tortues aquatiques – les cistudes d’Europe qui se nourrissent paisiblement de larves et de petits poissons. Il y a même une réserve naturelle du nom de Fondurane. Cette réserve naturelle est une des dernières forêts primaires de France. 2 Dans la région, le paysage est globalement similaire sauf que les très nombreux incendies, la plupart volontaires, ont eu raison de la végétation en de nombreux endroits.
Replantons alors !
Il est donc temps de dépenser l’argent de la collectivité en plantant des arbres d’essences différentes que celles rencontrées classiquement dans la région. Emmanuel Macron a entendu le message et veut ainsi replanter à tout va. Si l’on devait suivre sa vision des choses, il faut, selon lui, déforester pour replanter des jeunes arbres. C’est complètement absurde. Il a lancé le chiffre de 1 milliard d’arbres d’ici 2030. Ainsi la Macronie a lancé des ordres d’abatage d’arbres pour les remplacer par de jeunes arbres.3
La plantation d’arbres ne peut pas se faire de manière irréfléchie comme le propose le chef de l’État. Je préfère les 4000 km de haies et d’arbres à planter en Région wallonne. C’est un bon départ pour verdurier la campagne. S’il ne pleut plus dans le sud de la France et en Espagne, c’est parce qu’ils n’ont plus assez de forêts, de vraies forêts. La France comporte 17,3 millions de surfaces forestières mais plus aucune forêt primaire digne de ce nom. 4
Je sais, je me répète. Mais il faut répéter auprès d’un monde politique qui ne pense qu’à ses propres intérêts, d’une part, mais aussi ne comprend absolument rien aux enjeux concernant le dérèglement du climat.
Géry de Broqueville
- Nous avons écris en son temps un article sur le fait de cultiver sans eau. ↩︎
- Celle-ci ne fait que 43 ha, autant dire rien du tout selon la définition de la FAO : « Forêt naturellement régénérée d’espèces indigènes où aucune trace d’activité humaine n’est clairement visible et où les processus écologiques ne sont pas sensiblement perturbés ». ↩︎
- Un article de Reporterre donne des informations intéressantes quant aux manières de ne pas procéder. ↩︎
- La forêt de Soignes est l’un des derniers morceaux de forêt intact, en Belgique. Elle est toutefois inscrite au patrimoine mondial ‘naturel’. Mais elle n’est pas une forêt primaire. ↩︎