Le hérisson
・❥・ En extinction bientôt ?


Il était temps de parler du hérisson. Nous en avons déjà donné quelques facettes dans l’un ou l’autre article. Nous avons vu que le hérisson était un animal bio-indicateur et un prédateur des limaces. Nous allons découvrir d’autres aspects de cet animal qui a, excusez du peu, une présence sur la planète d’au moins 15 millions d’années en sachant que ses ancêtres sont apparus, il y a 60 millions d’années.. Il est donc très utile et malheureusement encore déconsidéré par une partie de la population. Nous allons découvrir tout ce que l’on sait de cet animal principalement solitaire et noctambule.
Descriptions, biotopes…
Tous les hérissons vivant en Europe sont de la même famille et portent le nom de Erinaceus europaeus. Il existe 16 espèces de hérissons dans le monde. Dans notre pays, on le retrouve dans les trois régions. Le site Internet de la Région Wallonne, décrit bien le biotope primaire des hérissons de cette manière : Milieux ouverts avec végétation basse, comme les prairies buissonneuses ou les lisières forestières, champs, vergers, terrains vagues, bords des routes, jardins, parcs, même en zone urbaine. Le grand nombre de hérissons se faisant écraser sur les routes montre qu’il vit de préférence près des villages et des petites villes. Semble moins abondant dans les grandes étendues cultivées, les milieux humides, les vastes massifs forestiers, les plantations d’épicéas. Il est toutefois présent dans des milieux assez pauvres, tels que ceux du plateau des Hautes Fagnes. 1
Le même site Internet donne une bonne description morphologique de l’animal : Dos, flancs et dessus de la tête recouverts de piquants 2 de 2 à 3 cm de long, de 2 mm de diamètre, rigides et résistants, flexibles à leur base, annelés de noir et blanc. Ventre et pattes couverts de longs poils raides et brunâtres. Se roule en boule et hérisse ses piquants en cas de danger. Museau pointu.Taille: 18-35 cm + 2 à 5 cm de queue; mâle plus grand que la femelle. Poids: très variable selon l’âge, la santé de l’animal, la saison (hiberne), la quantité de nourriture disponible: 300 à 2200 g.
Le nouveau-né est rose et nu avec une peau tendue et gonflée. Peu de temps après la naissance, les premiers piquants blancs saillissent à travers la peau. Le hérisson peut vivre 10 ans voire plus, mais étant tellement sujet à écrasement que l’on estime actuellement une durée de vie entre 2 et 5 ans.

Alimentation du hérisson
Le hérisson est principalement insectivore mais a une tendance à être omnivore. C’est ainsi qu’il mange des invertébrés terrestres tels que les carabes, les chenilles, les courtilières, les araignées, les grillons, les criquets, les limaces, lombrics et des vers de terre. Il mange parfois des grenouilles, des lézards, de jeunes rongeurs. Au rayon des oiseaux, il se délecte avec les œufs et les oisillons.. Il se rassasie de cadavres, de fruits, de champignons 3 et de graines.
Comment fait-il pour dénicher tout ce beau monde, alors qu’il a une très mauvaise vue ? Son odorat et son ouïe sont très développés. Il peut détecter des coléoptères écrasés jusqu’à 1 mètre de distance. Il peut entendre un lombric sous plusieurs centimètres de terre. Pour sa défense, il entend le chien à 11 mètres et la souris à 5 m.
Accueillir le hérisson dans son potager, c’est aussi apprendre à partager certains de ses légumes. Hé oui, s’il vient pour manger les limaces, il n’hésitera pas un instant à manger le chou voisin. Vous sentez que vous allez être débarrassé de la limace ? Certes, c’est vrai mais au passage, il mangera le chou… Argh ! Il consomme d’ailleurs d’autres légumes aussi : chou-fleur, brocoli, carotte, asperge, courgette, épinard, laitue (sauf iceberg), navet, céleri et poivron. Il aime aussi les cassis et les cerises. Quand il se délecte de sa nourriture préférée, il va saliver abondamment.

Nourrir le hérisson n’est pas une bonne idée. C’est un animal sauvage. Même s’il adore le lait, il va attraper de la diarrhée. Il a une très petite consommation d’eau qu’il va trouver facilement si vous avez une mare accessible pour lui. C’est un animal qui n’est pas domesticable et il ne s’apprivoise pas.
Le hérisson est sauvage
Il est clair que son milieu naturel est la forêt et plus particulièrement aux abords des clairières, le long des chemins, là où la nourriture est abondante. Dans les forêts bien gérées les forestiers laissent des arbres se décomposer naturellement sur le sol. Ce sont autant de lieux de vie pour la biodiversité. Il est fini le temps, où l’on nettoyait les sous-bois pour faire place nette. Les ronciers sauvages ont aussi leurs raisons d’être.
Des participants à nos formations posent souvent la question de la manière d’avoir un hérisson. Bien que nous connaissons des associations qui introduisent des hérissons vivants mais ayant été accidentés dans la nature, il ne s’agit pas de les garder chez soi en captivité. C’est une erreur de croire que l’on peut garder un hérisson dans son jardin en l’enfermant dans le périmètre du jardin. En réalité son espace vital se mesure en hectares. Un mâle circule sur des surfaces jusqu’à 2,5 hectares bien que l’on a déjà observé certains mâles pouvant occuper jusqu’à 50 hectares. La femelle du hérisson parcours entre 500 mètres et 1,5 km par nuit tandis que son compagnon est capable de faire 3 km.
Si vous trouvez un hérisson en hibernation dans votre potager, surtout, ne le réveillez pas. Son cycle normal d’hibernation serait troublé et pourrait causer sa mort. En effet, en automne, lorsqu’il commence son hibernation il s’est engraissé. S’il venait à être réveillé, il utiliserait beaucoup d’énergie et sa réserve de graisse diminuerait. Durant l’hiver, il baisse sa température corporelle afin de ne pas geler (le minimum à environ 4 – 5°C). Son rythme cardiaque et sa respiration diminuent fortement. 4 La consommation d’énergie est réduite au strict minimum. Il quittera son gîte, au printemps, de manière naturelle.
Les dangers guettent le hérisson

Le hérisson est effectivement victime de nombreux accidents routiers. 5 Il faudrait pouvoir sensibiliser les autorités pour construire sous les routes, au moment de leur rénovation, des petits passages souterrains pour la petite faune. Les hérissons seraient nettement moins victimes d’accident qui se chiffre parfois par centaine, au printemps.6
Attention aux piscines, mares ou étangs voire fossés qui s’avèrent être des pièges mortels si on installe pas une planche pour permettre aux mammifères de s’en sortir vivants.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le hérisson n’est pas en voie de disparition chez nous. 7 Sa population est considérée comme stable. Notez-bien, j’ai un doute par rapport à cette affirmation de la Région Wallonne ! Il n’y a aucune préoccupation à son sujet si ce n’est ses deux prédateurs principaux : la route et les robots-tondeuses. Ces robots ne doivent pas fonctionner la nuit, justement, pour protéger les animaux nocturnes. Le hérisson a très mauvaise vue et il ne voit pas forcément les lumières de position de l’engin. Cette une invention stupide que de mettre des phares à une tondeuse, soi-disant pour prévenir le hérisson. C’est mal connaître la bête !
Le danger le plus pernicieux est représenté par tous les produits phytosanitaires chimiques de synthèse. Il est très sensible à ces produits. Il est normal qu’il soit fortement impacté puisqu’il se trouve en haut de la chaîne alimentaire des insectes. Les hérissons retrouvés morts devraient faire l’objet d’analyses toxicologiques pour rechercher les herbicides et pesticides accumulés dans ses organes. Cela ferait prendre conscience qu’il est temps d’arrêter toutes ces saloperies qui détruisent la nature petit à petit. Il en va de même avec la mort aux rats et les granulés pour limaces.
Les prédateurs
Le hérisson n’a pas que des amis, certains animaux sont des prédateurs pour lui. Ils sont victimes de blaireaux, renards, chiens, martres, putois et grands oiseaux de proie comme le hibou grand-duc. Les rats peuvent s’attaquer aux bébés. Lorsqu’ils sont en hibernation profonde, les hérissons risquent aussi d’être mangés par des rongeurs. Les Hérissons peuvent totalement disparaître dans une zone où la population de blaireaux est importante, les renards peuvent également diminuer l’effectif de la population.
Les maladies
Les hérissons sont sujets à pas mal de maladies. 8 Prenons le cas de quelques maladies cutanées provoquées par les puces et les tiques, les acariens (gales), les champignons (teignes), les myases (Œufs de mouche / asticots), les infections bactériennes. Au niveau des voies respiratoires des agents pathogènes comme le Bordetella bronchiseptica peut conduire les hérissons jusqu’à la mort.
La pathologie des voies digestives est essentiellement de l’ordre des Salmonelles et des Capillaires. Des virus, des tumeurs et de la déshydratation sont aussi des dangers pour notre mammifère. Depuis peu, une surinfection bactérienne difficile à soigner semble faire des dégâts sur les animaux blessés.9
Laissez le hérisson en liberté
Auxiliaire du potagiste, ce dernier se doit de réserver des portes d’entrées et de sorties à ce mammifère. 10 Si le potager a un accès à une rue, il vaut mieux le clore côté rue. Par contre, il faut octroyer à l’hérisson de quoi aller voir ailleurs dans la clôture du côté des voisins. Il suffit de créer un espace de 12 cm de largeur et hauteur pour qu’il puisse se faufiler à travers une clôture.
Dès qu’un jardin possède des massifs, des haies de buissons, des composts de feuilles mortes ou un tas de foin ou de bûches, seront autant de lieux accueillants pour cet animal. Et si on lui construit un nid artificiel avec une petite caisse en bois renversée avec de l’herbe séchée comme si c’était une cavité, sous un buisson, à l’ombre donc, cela deviendra un abri pour lui sûr pour lui. L’entrée doit avoir une chicane pour lui permettre de ne pas devenir proie à son tour. 11

Le hérisson, lanceur d’alerte
Le hérisson est une sentinelle écologique, une espèce dont la sensibilité sert d’indicateur précoce des changements de l’environnement d’un écosystème. Visiblement, en France, il a plus de choses à dire qu’en Belgique. A l’instar de la grenouille, il est un lanceur d’alerte concernant la sixième extinction de masse que nous avons commencé à vivre au début de ce XXIe siècle. 12
La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux 13 signale ceci dans son site Internet : Les hérissons européens ou hérissons communs voient depuis des années leur population baisser de façon importante. Cette baisse a pu être chiffrée dans plusieurs pays d’Europe comme l’Angleterre ou encore les Pays-Bas. D’autres pays comme la Belgique n’ont à ce jour pas encore pu évaluer ce déclin. Voilà donc la raison pour laquelle personne ne s’inquiète de la disparition du hérisson en Belgique ! Pas d’étude donc pas de diminution ! La Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux lance l’étude “Suivi Hérisson” à travers toute la Belgique en 2024. Il était temps quand on sait que la Grande Bretagne a déjà détecté une diminution de 66% sur son territoire.
Conclusion
En commençant cet article, j’étais loin de me douter que le hérisson était si proche de l’extinction définitive comme c’était le cas avec le guépard dont il ne reste que 60 survivants actuellement dans le monde. Si je compare le hérisson avec le guépard, c’est justement parce que le hérisson est un animal proche de chez nous alors que le guépard semble un animal si lointain. Il est temps de sauver la biodiversité qui se situe dans notre environnement immédiat. Oui, le hérisson risque de disparaître parce qu’il n’y a plus assez d’insectes. Oui, il y a effondrement des insectes chez nous donc il y a disparition des insectivores.
Et donc, celui qui prend soin du hérisson réalise qu’il a quelque chose que les autres n’ont pas. Il nous fait prendre conscience des liens de cause à effet entre la fragmentation des zones urbaines et la circulation automobile toujours plus dense. On y réfléchit alors à deux fois avant d’entreprendre d’inutiles trajets. Peu à peu, on replante des haies, on fait revivre des coins de nature sauvage. Puis on encourage l’agriculture locale, biologique et toutes ces actions quotidiennes qui nous libèrent des chaînes qui nous mènent inexorablement vers de graves changements climatiques… 14
Géry de Broqueville
- Le site de la Région Wallonne. ↩︎
- Les piquants sont des poils améliorés, de structure creuse et rigide. Un hérisson adulte en possède jusqu’à 7 000, recouvrant son dos et ses flancs. Ses piquants sont orientés en tous sens et entrecroisés. Ils s’insèrent par groupe de trois dans la peau, chacun
pointé dans une direction différente. Cette caractéristique lui permet de se défendre en cas d’attaque. ↩︎ - Dans un autre article concernant les limaces, j’ai expliqué ce relais entre champignon et limaces. ↩︎
- Les battements cardiaques tombent à 20 battements par minute comparé aux 120
battements pour un hérisson endormi et aux 200 à 280 pour un hérisson éveillé et actif. Le hérisson perd du poids pendant l’hibernation, il pèse alors entre 600 et 700 grammes mais il reprend du poids ensuite jusqu’à 1,1 ou 1,2 kg. Chiffres repris sur ce site Internet. ↩︎ - Selon les chiffre de l’Office National des Forêts (ONF), la mortalité est estimée entre 700 000 à 1 million de tués sur les routes, par an. ↩︎
- Voir l’article sur le roncier sauvage en cliquant ici. ↩︎
- Cette affirmation de la Région Wallonne contraste avec les appels incessants de Greenpeace France ou de l’ONF française. En France, le hérisson est clairement menacé de disparition. Certains estiment que sa disparition définitive commencera en 2025 ! ↩︎
- Pour en savoir plus, je vous recommande ce site Internet de la Clinique des hérissons. ↩︎
- Natagora, dossier spécial sur les hérissons. ↩︎
- Les hérissons sont des animaux protégés par la loi de la Conservation de la nature du 12 juillet 1973. Il est interdit de les transporter, capturer, mutiler ou tuer. La détention, l’achat, l’échange, la vente ou la mise en vente de cette espèce sont également interdites. Il est cependant autorisé de porter secours aux hérissons malades ou blessés en les remettant entre les mains de soigneurs expérimentés. ↩︎
- Dans notre livre, Pas à Pas vers une terre vivante, page 336 nous avons dessiné un abri avec une forme d’entrée sécurisée. ↩︎
- Voir l’interview de Gilles Bœuf, biologiste dans le journal Libération du 11 juillet 2017. ↩︎
- Ligue Royale Belge de la protection des oiseaux, Rue de Veeweyde, 43-45, 1070 Bruxelles – 02 521 28 50 – [email protected]. ↩︎
- Extrait d’un texte sur une page de pétition pour la sauvegarde du hérisson. ↩︎