Choisir de parler de la coriandre à la fin de l’été est probablement incongru et pourtant c’est ce que je vais faire. Tout compte fait, cette plante sauvage pour les uns, cultivée pour les autres a plus d’un tour dans son sac. Si vous n’avez pas encore de coriandre dans votre potager, ce n’est que partie remise quand vous aurez lu cet article.

Coriandrum sativum, de la famille des Apiacées. Le genre Coriamdrum comprend deux espèces connues. Il existe Coriandrum sativum cilantro et Coriandrum sativum marocco. Une autre coriandre porte le nom de Coriandre du Vietnam. Cette plante est une persicaire odorante Persicaria odorata, de la famille des Polygonacées. ¹ C’est une herbacée, condimentaire, médicinale et correctrice de sols. Peut-être que j’en passe et des meilleurs, nous allons voir cela tout au long de cet article.

Un peu d’histoire

La coriandre porte différents noms comme le persil mexicain, persil arabe, persil chinois, cerfeuil chinois, punaise mâle, mari de la punaise, cilantro. Les noms vernaculaires font plus appel au persil que l’on pourrait presque confondre avec le persil plat d’Italie. Il semble incongru d’appeler cette plante comme punaise et pourtant, c’est une question d’étymologie en fonction de la langue utilisée. la coriandre en latin, coriendrum, lui-même tiré de deux racines d’origine grecque : koris, qui veut dire « punaise » et andros, « homme ». C’est aussi simple que cela.

Il est difficile de dire quand cette plante sauvage a été cultivée. Elle est originaire du bassin méditerranéen et plus particulièrement du Proche-Orient mais à la même période on en trouve aussi en Inde. Sa première trace connue remonte à 6000 ans AC. Ses premières utilisations remontent à 1500 ans AC puisque certaines de ses graines (Akène) ont été retrouvées dans le tombeau de Toutankhamon. Cela veut dire qu’elle était cultivée dans l’Egypte ancienne. chez les Grecs et les Romains. Ces derniers utilisaient la coriandre associée à du cumin et du vinaigre pour conserver la viande. Charlemagne encourage la production de coriandre surtout dans le jardin des Simples des monastères. ²

Chaude comme la braise…

Au Moyen-âge, Matthieu Platéarius ³ explique que la coriandre est une herbe chaude et sèche au second degré. Ses fruits, les graines, font partie des ‘Quatre semences chaudes majeures’ avec la fenouil, le carvi (cumin) et l’anis vert. Les graines de coriandre était d’ailleurs gardée dans des sachets pour attirer la belle et fait partie des ingrédients d’un des nombreux philtres d’amour. Actuellement, ces vertus n’ont pas perdu une ride comme nous le verrons dans la partie médicinale, ci-dessous.

En tant que graine chaude et tonifiante, on la retrouve dans l’Amanga-Ranga qui est le célèbre livre des Indiens sur la sexualité. ⁴ Ce livre décrit une recette de pilules aphrodisiaques où la graine de Coriandre a sa place. ⁵ Le côté tonus se trouve dans le suc de la plante fraîche ou par l’essence des graines concassées.

Même le Roi-Soleil a eu droit à sa potion magique pour soigner sa gourmandise légendaire. N’oublions pas que chacun de ses repas est composé de quinze plats sans compter les desserts. Les purges et lavements ne suffisent plus à réguler les flux du ventre. En 1672, apparaît une nouvelle boissons que Louis XIV adore : le rossoli. Il s’agit d’une eau-de-vie préparée à partir du vin d’Espagne dans laquelle infusent des graines de coriandre, de fenouil, d’aneth et de cannelle, le tout mélangé à du sirop de sucre. Le roi en prend trois ou quatre gorgées chaque fois qu’il sent que le repas ne passe pas. ⁶

C’est au XIXe siècle qu’elle se féminise pour devenir la Coriandre alors que de tout temps, elle oscillait du masculin au féminin.

Description de la plante

Cette plante préfère les sols fertiles, bien drainés. Elle peut être semée durant tout le printemps plein soleil car elle aime la chaleur. Une bonne irrigation permet à la plante de produire de nombreuses feuilles. Ce sont les jeunes feuilles présentes déjà un mois après le semis qui sont intéressantes pour la récolte.

C’est une herbacée de couleur verte qui atteindra entre 30 et 60 cm de hauteur. Elle a des tiges fines et tendres qui comportent de nombreuses petites feuilles arrondies et découpées. De cette finesse va se dégager pour les uns une odeur désagréable et pour les autres une odeur aromatique subtile. Les fleurs blanches à roses pâles sont minuscules et s’ouvrent tout l’été.

La coriandre se développe bien dans des températures avoisinant les 20°C. Dès qu’elle germe, sa croissance va être rapide. Il n’est pas mauvais de semer généreusement pour en avoir des bouquets de plantes. Il est peut-être intéressant de semer en deux voire trois périodes espacées de 15 jours pour en avoir assez si vous en raffolez.

Tant que la plante n’est pas mûre, elle aura une odeur de punaises écrasées, ce qui est peu ragoutant. C’est donc son odeur qui va donner l’indication de sa maturité. La maturité des graines donnera un goût légèrement piquant avec, en arrière pensée, une fragrance de d’orange ou de mandarine.

A maturité, les graines sont brunes. Cela vous donne une bonne indication pour le moment de la récolte. Couper les bouquets de coriandre. Suspendez-les inflorescences vers le bas, dans un sac en papier kraft de préférence et dans un endroit sec. Quand la plante est totalement sèche, froisser les fleurs à travers le sachet, les graines tomberont très rapidement. Conservez les graines dans une boite hermétique.

Les principes actifs

Dans la graine mûre, on trouve 0,4 à 1% d’huile essentielle contenant 60 à 70% de d-linalol libre et estérifié, de l’α-pinène, les α et Y-terpinène, du phellandrène, 80% de géraniol et de lI-bornéol. On trouve aussi dans le fruit 20% d’une huile grasse contenant acides pétroséliniques (53%), oléiques (32%), palmitique (8%), linoléique (7%), . Les fruits renferment 11 à 12% de matières azotées, 10% de pentosanes, 10,5 d’amidon, un peu de pectine et de tanins, de la vitamine C et K. ⁷

Utilisations de la Coriandre

Comme plante médicinale

Le côté chaleur de la semence est intéressante au moment de digestions difficiles dues à la chaleur insuffisante de l’estomac. Ce manque de chaleur peut-être dû à une faiblesse même de l’estomac ou encore du fait que l’estomac n’a pas assez de force pour dissoudre les aliments. La seule façon de remédier à ces deux problèmes, il suffit de prendre une tisane de graine de coriandre, d’anis, de carvi et de fenouil, les quatre ensembles pour donner du tonus à l’estomac et le laisser agir dans un bon processus de digestion. ⁸ Cette même graine, en poudre ou en infusion, est utilisée comme anti-inflammatoire, antirhumatismal, anticorbutique et antiarabique.

L’huile essentielle (HE) de Coriandre présente des propriétés antioxydantes et soutient la fonction immunitaire. ⁹ On l’utilise aussi pour les soins de la peau avec ses propriétés astringentes, cicatrisantes et anti-inflammatoires capables de traiter des problèmes cutanés. l’HE est régulièrement utilisée pour les soins corporels pour ses propriétés toniques et énergisantes fournies par sa molécule α-pinène. ¹⁰

C’ est une bonne anti douleur. Le jus de coriandre a des effets détoxifiants : il aide à éliminer les toxines présentes dans l’organisme, notamment les métaux lourds comme le plomb. Ce jus est aussi utilisé contre la conjonctivite sous forme de collyres. La plante fraîche et hachée est utilisée contre l’asthénie de l’enfant et du vieillard ainsi que dans les convalescences. ¹¹

En olfactothérapie, l’huile essentielle incite à la sensualité et à la relaxation. Il ramène un équilibre psycho-émotionnel. Elle est donc pour les égarés, aux tous fous, aux déstabilisés, à ceux que la vie à bousculé et qui va leur permettre de se recentrer, tout en douceur sans exagérer sur la consommation d’HE.

En cuisine

Les graines de coriandre peuvent être ajoutées aux mets lors de la cuisson. Elles donnent un bon goût aux viandes et aux légumes tout en donnant ce coup de dynamisme à l’estomac. Les graines peuvent être utilisées telle quelle au moment de la cuisson ou moulu dans un moulin à poivre vont « réchauffer » les légumes froids qui ralentissent l’activité de l’estomac.

Elle est un des éléments fondamentaux de la cuisine marocaine ou indienne. On peut les associer au potage, biscuits, chutney aux tomates, ratatouille, au curry, tarte aux pommes, pâtisserie, confiture. Les feuilles se mangent dans les ragoût, les légumes, les volailles, les sauces, les salades. Bref, comme on le voit la coriandre se place un peu partout.

Il faut bien savoir ceci, les graines de coriandre que vous produisez vous même dans le potager, sont infiniment meilleures que celles que vous allez trouver dans le commerce. Les feuilles que vous cueillez doivent être bien vertes et brillantes.

Dans le bar des élixirs

La graine de coriandre sert encore actuellement comme ingrédient, dans toutes les bières mais aussi dans la célèbre Chartreuse. Les nonnes ne sont pas en reste avec leur Eau de Mélisse des Carmes. Celle-ci, bien qu’elle atteint près de 80° d’alcool, est proposée dans les pharmacies. Elle est parfaite pour lutter contre le stress, soulager les troubles digestifs, combattre la fatigue et apaiser le mal des transports. Ce célèbre élixir associe les vertus de quatorze plantes médicinales (dont la coriandre) et de neuf épices, faisant de lui le plus ancien produit disponible en pharmacie. Pourquoi en pharmacie ? parce que c’est un véritable élixir et que l’alcool présent est là comme support.

Les feuilles de Coriandre fraîches se retrouvent dans des cocktails à base de gin, de vodka et de rhum blanc. Vous ne le savez peut-être pas mais le vrai mojito est composé de ses ingrédients habituels à l’exception de la menthe. Celle-ci remplace les feuilles fraîches de coriandre qu’il est plus difficile à trouver.

Dans le potager

Les associations

La Coriandre est une plante compagne intéressante pour l’anis, les choux, les concombres, le navet, le pois, la pomme de terre, le radis et la roquette et la tomate. Prenons l’exemple de l’Anis. Quel et l’influence de l’une sur l’autre ? La coriandre renforce la germination de l’anis. On ne peut pas dire que la coriandre fait ce même effet pour toutes les autres plantes. La preuve , il est important de la planter un peu plus loin puisqu’elle est inhibitrice de croissance pour l’aneth, la betterave, la carotte, le céleri, le cerfeuil, le fenouil, le panais, le poireau et la sauge, donc majoritairement des légumes-racines. ¹²

Or l’anis a le même effet sur la coriandre. Anis et Coriandre se facilitent, toutes les deux leur germination. Mais ce qui est remarquable, alors que la coriandre a un effet répulsif sur les pucerons des autres plantes, l’anis a ce même effet contre le puceron de…la coriandre. On rentre dans les mystères de la nature. Celui qui parcourt son potager et son environnement en ayant en esprit les problèmes de la botanique et de la biologie pénètrera graduellement les secrets les plus subtils de la nature. ¹³

Les effets

Elle repousse. La plante repousse les pucerons et la mouche de la carotte. Quand on en fait une infusion de ses feuilles avec des graines d’anis, le produit qui en résulte est intéressant pour faire fuir les tétranyques (araignée rouges), les doryphores, les aleurodes et certains pucerons. En 1988, un chercheur indien a mis en exergue que l’exsudat racinaire avait un effet létal contre certains nématodes. ¹⁴

Elle attire. Placez de la coriandre disséminée dans le potager. Aussi petite soit-elle, la fleur, avec son nectar et son pollen attire les auxiliaires comme les chrysopes, coccinelles, syrphes et les guêpes parasitoïdes. ¹⁵ La mouche tachinaire a le même effet que la guêpe mais en plus parasite les vers gris ¹⁶ et les vers blancs ¹⁷. Les auxiliaires des arbres fruitiers sont attirés aussi par le nectar de la coriandre. Ce n’est donc pas incongru de planter de la coriandre dans un verger. ¹⁸

Effet antifongique. Les racines de coriandre libèrent des substances comme des huiles essentielles : linalol, géraniol, bornéol…) qui ont une action antifongique contre certaines maladies des racines et spécialement s’attaque au champignon de la famille des Fusarium.

Quelques autres effets. La coriandre a aussi un effet organoleptique sur certaines plantes. Elle ne va pas changer le goût des plantes voisines mais va renforcer certaines caractéristiques de la plante. Par le fait qu’elle pousse rapidement, elle peut servir de couvert pour limiter l’arrivée d’orties ou de plantes indésirables, en les semant avant leur germination.

La coriandre et les métaux lourds

Voilà une belle plante capable d’absorber les métaux lourds se trouvant dans le sol. La coriandre contient des acides phénoliques, flavonoïdes et huiles essentielles (notamment linalol), qui peuvent se lier à certains métaux comme le plomb (Pb), mercure (Hg), aluminium (Al), cadmium (Cd).¹⁹ Elle a donc cette capacité de nettoyer les sols qui ont été pollués par des activités industrielles. On appelle cela de la phytoremédiation. Il est évident que si vous utilisez cette plante pour assainir votre sol, il vous est fortement déconseillé de la consommer. Il faut la récolter et la déposer dans une entreprise chargée du traitement des métaux lourds.

Dans le sens inverse, notre organisme peut accumuler des métaux lourds à notre insu. En buvant un verre de jus de coriandre, il est possible de nettoyer une bonne partie des métaux lourds qui se trouvent dans notre organisme. Ces métaux sont évacués par les reins. ²⁰

En conclusion…

Voici donc une plante très complète qui semble porteur d’avenir pour toutes les flatulences digestives. Alors que la coriandre n’est pas encore arrivée à maturité, son odeur fétide ne rappelle-t-elle pas les vents légendaires de sa Majesté ? Et lorsqu’elle est à point, à maturité, elle respire l’amour Elle est même capable de corriger l’halitose, autrement dit la mauvaise haleine. Franchement plutôt qu’un vulgaire « tu pues de la gueule » ne pensez-vous pas préférable d’interpeller votre voisin avec cette docte ²¹ formule « Cher ami, vous me semblez souffrir d’halitose« . ²²

Voilà donc la coriandre replacée aux centre du potager comme plante positive au même titre que l’hysope, la tagète patula, le calendula et dernièrement le bleuet. Toutes les plantes sont d’une grande richesse et apportent chacune des éléments différents à une biodiversité variée.

Géry de Broqueville

1. Jekka McVicar, La passion des herbes, aromatiques, culinaires, médicinales, cosmétiques et comment les cultiver, Ed. Guy Saint-Jean, Laval, Québec, 2009, P. 88. ↩︎
2. Michèle Jeaguyot et Martine Séguiers Guis, L’herbier voyageur, histoire des fruits des légumes et épices du monde, Ed. Plume de Carotte, 2000, p. 50. ↩︎
3. Mattieu Platéarius est un médecin de l’école de médecine de Salerne a qui l’on attribue la rédaction du Liber de simplici medicina , au XIIe siècle. Traduit en français le titre est Livre des simples médecines ↩︎
4. L’Amanga Ranga est un ancien texte indien sanskrit écrit par Kalyana malla au XVe ou XVIe siècle. ↩︎
5. Bernard Bertrand, L’herbier érotique, histoire et légendes des plantes aphrodisiaques, Ed. Plume de carotte, 2010, p.86 ↩︎
6. Jean-Marie Pelt, Les vertus des plantes, ed. E/P/A, 2020, p.40 ↩︎
7. Jamal Bellakhadr, La phramacopée marocaine traditionnelle, médecine arabe ancienne et savoirs populaires, Ed. Le Fennec,2020, p.396 ↩︎
8. Erike Laïs, Le livres des Simples, Rustica, 2016, p.62. ↩︎
9. Attention l’ingestion de l’huile essentielle de Coriandre à dose exagérée peut être mortelle. ↩︎
10. Sonia Blondeau, Les molécules amusantes, quand découvrir la science des Huiles essentielles devient un jeu, Amyris, 2022, p.92. ↩︎
11. Bellakhadr, p.395. ↩︎
12. Florian t’Serstevens et Géry de Broqueville, Pas à Pas vers une terre vivante, 2020, p.436. ↩︎
13. Je paraphrase légèrement Ehrenfried Pfeiffer, dans son livre Fécondité de la terre & Le visage de la terre, Actes Sud, 2016, p.514. ↩︎
14. Dominique Guillet, Semences de Kokopelli, 2019, p.146. ↩︎
15. Pour comprendre la manière de fonctionner de ces guêpes parasitoïde, je vous envoie vers un de mes autres articles, intitulés les parasitoïdes et les choux, déjà écrit en ces page. ↩︎
16. Les vers gris s’attaquent aux légumes-feuilles (laitue, épinard, céleri), aux légumes-racines (carotte, radis), aux légumes-fruits (tomate, maïs, haricot), les choux et les fraisiers. ↩︎
17. Les vers blancs s’attaquent aux racines des fraisiers, des graminées comme le gazon, aux légumineuses, aux arbustes et aux plantes ornementales. Bien-sûr les légumes racines comme les pommes de terre, carottes et navets sont sujets à attaque de ce type de vers. ↩︎
18. Sandra Lefrançois & Jean-Paul Thorez, Plantes compagnes au potager bio, le guide des cultures associées, ed. Terre vivante, 2016, p.124. ↩︎
19. Collectif, Accumulation and Translocation of Heavy Metals in Coriandrum sativum, in Journal of Applicable Chemistry, 2019. ↩︎
20. Cela a déjà été prouvé en laboratoire sur des rats et in vitro. Les résultats sont encouragents. ↩︎
21. Avec l’accent de Monsieur Pof, bien sûr ! ↩︎
22. Guy Fuinel, La bonne humeur et les plantes, Amyris, 2005, p.37. ↩︎