En décembre 2018, étant en Égypte pour mon travail chez Asmae, j’ai eu l’occasion et la chance de visiter Sekem qui est un véritable holding composée de cinq entreprises qui vendent des produits portant le label Demeter tant en Égypte qu’en Europe et un peu aux États-Unis. Des ONG et fondations complètent les activités des fermes comme en témoigne le schéma ci-dessous.
Qui dit label Demeter, dit biodynamie ! En effet, le holding comporte trois fermes en biodynamie situées au nord-est du Caire, à Minia et au sud-ouest du Caire, chaque fois dans le désert. L’organisation SEKEM a été fondée en 1977 par le pharmacologue et entrepreneur social égyptien, le Dr Ibrahim Abouleish, dans le but est de susciter un renouveau en agriculture durable en Égypte. Si ce n’était que cela, ce serait déjà très bien. mais cette organisation pousse la biodynamie jusque dans la manière de gérer l’entreprise. Voici ses objectifs de base tel que définit dans la charte Sekem :
- Nous faisons de l’agriculture biodynamique, la solution compétitive pour relever les défis environnementaux, sociaux et de sécurité alimentaire du 21ème siècle
- Nous soutenons le développement individuel à travers une éducation holistique et des soins médicaux
- Nous créons des lieux de travail qui reflètent la dignité humaine et soutiennent le développement des employés
- Nous construisons des modèles commerciaux réussis conformément aux principes écologiques et éthiques
- Nous innovons pour le développement durable par la recherche en sciences naturelles et sociales
- Nous plaidons, localement et globalement, pour une approche holistique du développement durable.
Il faut vraiment aller sur place pour se rendre compte à quel point ces objectifs sont atteints. Chaque ferme a son système éducatif basé sur la pédagogie Steiner-Waldorf, son dispensaire ouvert à tous et basé sur des soins de santé naturel et même une université qui porte le nom d’Héliopolis University ! Sekem emploie près de 2000 personnes réparties dans les trois fermes en question. Comme on le voit ci-dessous, les fermes gèrent toutes les étapes, de la production dans les fermes, à la commercialisation en passant par le packaging. Les services sociaux et la vie culturelles sont au service non seulement des employés mais aussi des habitants des villages avoisinants.
La biodynamie au cœur de l’activité
Les principes de base de l’Anthroposophie sont utilisés au sein du holding qui se base sur les principes de Rudolf Steiner et sur le calendrier lunaire de Maria Thun. Cette dernière a, d’ailleurs, rendu visite à la ferme de Sekem quelques années avant sa mort. La bouse de corne est fabriquée localement puisque la ferme possède des vaches laitières élevées selon les principes de biodynamie. Les autres ingrédients utilisés pour le compost comme l’achillée millefeuille, la camomille, l’ortie, etc. sont achetés en Allemagne.
A l’exception des premiers bâtiments, toutes les maisons, hôtel, bâtiments administratifs, entreprises, sont construits avec des formes organiques où l’arrondi est privilégié. De même les lieux de prise de parole existant devant chaque bâtiment pour permettre chaque jour, la rencontre entre tous. Une grande réunion hebdomadaire a lieu le jeudi après-midi devant le bâtiment principal où tous les employés de la ferme se rencontrent et parlent de leurs problèmes, de leurs réussites de la semaine, voire même donnent des nouvelles de leur famille. Ces lieux, toujours circulaires, sont des points de rencontres et de cohésions sociales.
Des temps de relaxations sont prévues aussi durant la semaine, des cafétérias jalonnent le site et s’intègrent parfaitement au paysage. L’une d’elle est adossée aux gradins du lieu d’expressions artistiques sous de multiples formes, dessins, peintures, musiques, danses où tous les employés ou ouvriers peuvent prendre du temps pour se détendre ou méditer dans des lieux ouverts à toutes les croyances ainsi que même devant la tombe du fondateur, haut lieu énergétique !
De manière indéniable, ce lieu est empreint d’une sérénité qui est marquée par un contraste a peine croyable. Fuyant la pollution du Caire, son agitation, son bruit incessant, sa mal-bouffe omniprésente, ce lieu est vraiment unique où l’on peut entendre le crissement des vélos sur le sable ou le pas feutré des travailleurs se rendant au travail. Seul quelques véhicules circulent sur ces 70 hectares de terre.
Le mot du fondateur de Sekem, le Dr. Ibrahim Abouleish, est intéressant et montre combien cet homme avait une vision holistique de son activité : « Au milieu du sable et du désert, je me vois debout devant un puits puisant de l’eau. Je plante soigneusement des arbres, des herbes et des fleurs et mouille leurs racines avec les précieuses gouttes. L’eau des puits attire les êtres humains et les animaux pour se rafraîchir et s’activer. Les arbres donnent de l’ombre, la terre devient verte, les fleurs odorantes s’épanouissent, les insectes, les oiseaux et les papillons témoignent de leur dévotion envers Dieu, le créateur, comme s’ils citaient la première sourate du Coran. L’humain, percevant l’éloge cachée de Dieu, soigne et voit tout ce qui est créé comme un reflet du paradis sur terre. Pour moi, l’idée d’une oasis au milieu d’un environnement hostile est comme une image de la résurrection à l’aube, après un long voyage dans le désert nocturne. Je l’ai vu devant moi comme un modèle avant le début des travaux dans le désert. Et pourtant, en réalité, je désirais encore plus: je voulais que le monde entier se développe. »
C’est un des plus beaux lieux d’Égypte que je connaisse, empli de sérénité, de respect, de silence, d’air pur et de bienveillance (1). Je crois que j’en reparlerai encore longtemps de ce lieu.
Géry de Broqueville
(1) Cela me rappelle que dans chaque exploitation agricole ou viticole visitée en Belgique ou en France, j’ai déjà rencontré cette bienveillance sereine. Serait-ce dû à l’anthroposophie, cette philosophie, transmise par Rudolf Steiner ? A creuser donc !