Le pissenlit est tout de même une plante qui est une des plus communes d’Europe. Le nom latin exclut certaines fleurs est un capitule plat et jaune avec des tiges creuses, qui paraissant identiques, ne sont pas du même genre (1). Nous allons nous occuper duTaraxacum officinalis dans cette page. Cette plante fait partie de la famille des Astéracées.
Le pissenlit porte ce nom peu avantageux de « pisse en lit » pour ses vertus diurétiques reconnues depuis le XVe siècle en Occident. Le nom latin provient de l’arabe Tarahsaqûm énoncé pour la première fois par Ibn Al-Baytar (1197-1248). NIcholas Culpeper explique que le pissenlit vit sous la domination de Jupiter. (2) Certaines régions du monde l’appellent « dent de lion » pour la dentelure de ses feuilles. En Wallonie, le pissenlit est le Florin d’or.
Les botanistes dénombrent 60 espèces pour plus de 1200 sous-espèces dans le monde. Pour différencier les Taraxacum, les botanistes ont créé des sections comme, la plus connue, la Ruderalia.qui regroupe les officinales et les communes. Ils possèdent de très légères différences parfois imperceptibles. Tous les Taraxacum de cette section ont un caractère commun, ils sont diurétiques. Même si on l’appelle parfois dent de lion, les botanistes ont décidé de ranger les dents de lions dans une autre espèce que les Taraxacum officinalis. Cette nouvelle espèce porte le nom de Taraxacum dens-leonis !
Son observation est un ravissement
A maturité, les fruits appelés akènes portent une seule graine. Ces akènes sont bien connues des enfants qui soufflent dessus pour les voir s’envoler. Un célèbre dictionnaire, le Larousse, en a fait son logo qui illustre la diffusion du savoir. Le record d’un vol d’akène a été de 10 km de sa fleur mère. Généralement, ce vol représente quelques mètres.
Dans les climats les plus rudes, alors que le pissenlit est loin des pollinisateurs, il est capable d’assurer sa descendance sans intervention extérieure, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de reproduction sexuée, alors que c’est l’inverse dans les plaines. Il est capable de s’autoféconder d’une part mais aussi de se reproduire par parthénogenèse, d’autre part. Dans ce dernier cas, la fleur produit une fausse graine qui contient un embryon qui provient d’une multiplication cellulaire et non pas d’un œuf fécondé. On assiste alors à un clonage naturel. Enfin, le Taraxacum peut se reproduire par bouturage de ses racines. Cette plante a donc quatre moyens de reproduction à sa disposition. Le pissenlit fait partie des rares plantes qui peuvent se reproduire par parthénogenèse comme l’ananas, la banane et l’orange.
Dans les prairies tondues, elles abondent généralement. Dès le printemps, les feuilles se développent horizontalement et lorsque la tige sort elle prend de la hauteur pour se tourner vers le soleil abondant. S’il lui arrive un malheur type tondeuse ou robot, elle adaptera sa taille de telle sorte que les lames ne lui trancheront pas la tête. Notez-bien il en est de même des pâquerettes.
Il y a encore 1000 choses à écrire pour décrire le pissenlit. Lui qui est si commun que l’on trouve presque partout sur notre planète a encore beaucoup à nous apprendre sur son mode de fonctionnement.(3)
Les biotopes du pissenlit
Le biotope primaire regroupe les prairies naturelles des plaines et des montagnes. Les sols sont calcaires ou basaltiques. On les retrouve aussi dans les vallées alluviales. Elle se plaît bien à la lisière des bois voire dans les clairières. Elle peut vivre en altitude jusque 3000 m notamment dans la pierraille. Seules les terres trop arides ne lui conviennent pas. Dans les terres riches, sa racine est charnue alors que dans la pierraille elle sera longue et effilée.
Dans le biotope secondaire on retrouve les prairies agricoles, les cultures, les vignes, le long des chemins des routes, dans les terrains vagues mais aussi après une coupe à blanc ou les champs en jachère. (4)
Les principes actifs
Selon les données chimiques connues, la plante contient principalement 40% d’inuline, 18 % de fructose surtout au printemps. Cette fructose contient entre 15 et 30% de polyfructanes que l’on divise en fructose, saccharose, glucose, 1-kestose et nystose.
Sa tige contient un latex avec divers dérivés triterpéniques pentacycliques dont le taraxastérol, le taraxérol, le pseudotaraxastérol, des stérols et des principes amers que l’on nomme lactones. Dans les feuilles, la chimie isole des flavonoïdes, des vitamines C et B. (5)
Pour le potager, le pissenlit apporte de l’acide silicique, 4,5 % de potassium dans la plante et 2,5 % dans la racine et de l’éthylène (maturité des fruits), 1% de mucilage. Le pissenlit apporte 5 fois plus de protéines, 8 fois plus de vitamine C et 2 fois plus de potassium, de magnésium et de phosphore que dans la laitue pommée. (6) Il possède aussi des vitamines A, B2 et D en moindre quantité que la C.
Wilhelm Pelikan, en brûlant un plant entier de pissenlit, en tire des cendres 7 % d’acide silicique, 40 % d’oxyde de potassium, 8 % d’acide de magnésium ainsi que des traces de cuivre et de zinc. La force de la silice s’annonce par la présence des colorants jaunes de la plante (xanthophylle) qui sont parent de la vitamine A. Ces éléments sont harmonieusement liés à des processus potassiques. (7)
Utilisation dans le potager
Si vous n’avez pas de pissenlit, cela serait très étonnant, il est possible de les cultiver. Il se sème au printemps après tout risque de gelées. Il est possible de les semer en automne mais au moins 6 semaines avant les premières gelées. Faites le geste du semeur puis vous recouvrez les graines de 5 mm de terre. Le pissenlit a besoin de 20 à 30°C pour germer. Son sol de prédilection est d’être riche, profond et frais. Les jeunes feuilles sont récoltées pour en faire des salades. (8) Le pissenlit est pollinisé par les insectes. Il peut se croiser avec d’autres espèces et donc est à cultiver à 1 km de distance en cas de cohabitation entre deux variétés.
Le latex du pissenlit a pour effet de repousser les limaces et les escargots, qui se contente de manger les vieilles feuilles un peu pourries du dessous. Par contre, les lapins, les vaches ou les chevaux en raffolent. Le pissenlit adore être mangé car plus il est brouté, mieux il repousse !
Le pissenlit est une plante hôte pour divers insectes. Les abeilles et les mouches sont friandes de son nectar. Les papillons de nuit comme le Sphinx du pissenlit Amata phegea se reposent sur le pissenlit. Il en va de même de certains coléoptères comme les méligèthes.
Elle est bio-indicatrice
Cette plante indique qu’il y a un engorgement en matières organiques (MO) d’origine animale par un excès d’épandage de fumier. Il y a probablement un blocage de la MO par le froid. Les sols sont compactés alors qu’il est riche en base (Magnésium, potassium et calcium) et en MO.
Elle est un indicateur intéressant quand elle est normalement présente. Cela signifie que la prairie a un sol varié et riche. Mais si elle devient dominante, cela signifie qu’il y a une augmentation de l’engorgement des MO. De plus, l’air ne passe plus dû à ces compactages. (4)
Le pissenlit en permaculture
Dans notre potager nous avons de plus en plus envie de laisser les pissenlits faire leur bonhomme de chemin avec nous. Nous ne les arrachons plus d’autant plus qu’ils sont nourriciers. Nous devons récolter, plus souvent, les jeunes feuilles pour les mélanger avec d’autres salades. Il est à noter que nous devons tenir à l’œil les caractères bio-indicateurs. Nous avons probablement trop de MO d’origine animale. Nous récoltons chaque année du fumier de cheval pour chauffer le châssis afin d’assurer la germination des semences. Au bout d’un an, nous déposons dans nos bacs le fumier de l’année d’avant. Il faut donc arrêter un an au moins cette pratique.
Les pissenlits ont aussi une vocation de servir les autres plantes. Il est possible de réaliser des infusions, de l’extrait fermenté ou de la décoction selon ce que l’on veut obtenir comme résultat. Le Pissenlit renforce, apporte des vitamines C et du sucre. Il revitalise le sol et est un bon activateur de compost. (9)
Le pissenlit en biodynamie
Le pissenlit s’utilise en biodynamie. Il est une des plantes retenues par la biodynamie dans les préparations à utiliser dans le compost, notamment. Cette plante porte le n°506 en termes de préparation. Les fleurs de pissenlit récoltées seront placées dans un mésentère de bovin qui lui sert de protection. Ces boules sont enfermées dans des pots en argile peu cuite et non vernissée, dans le sol durant l’hiver. Au printemps, après l’équinoxe, les pots sont déterrés, les mésentères sont sortis des pots. La matière noirâtre et humique résultat de la décomposition des fleurs de pissenlit donne une odeur agréable.
A l’instar de Culpeper, la biodynamie indique que le pissenlit, sa couleur jaune et sa préparation sont influencées par les forces issues de la sphère de Jupiter. L’étain, la silice, l’érable et la lumière sont aussi reliés à Jupiter or le pissenlit est au moins composé d’acide silicique et n’ouvre ses fleurs qu’en pleine lumière solaire entre 9h et 15h.
L’idéal aurait été le foie qui est le « chef des armées » dans la médecine chinoise. Mais elle ne possède pas d’enveloppe comme le mésentère. Or ce dernier est très proche du foie. Pour Steiner, il faut que la silice qui se trouve dans le cosmos soit attirée vers le sol. Seule la préparation du pissenlit peut se permettre de le faire. (10)
Certains légumes se développent mieux s’ils reçoivent une tisane de pissenlit. Pour que le « fruit » du chou-rave, par exemple, soit ferme et non ligneux en faisant un apport de tisane de pissenlit. C’est vrai pour la plupart des choux bien que les effets les plus visibles se retrouve chez le chou-rave. Cette affirmation est faite par Maria Thun qui a testé cet apport de tisane de pissenlit pendant plusieurs années dans son potager. Il en est de même pour le blé d’hiver, l’avoine et le blé de printemps. Cette tisane doit évidemment être pulvérisé en jour racine pour le chou-rave et en jour fruit pour les blés. g (11)
Utilisation alimentaire
Une fois n’est pas coutume, nous développons plus ce sujet tant cette plante est riche pour notre alimentation. Le pissenlit a un goût de chicorée. Les fleurs ont une saveur sucrée de miel. Tout se mange dans cette magnifique plante tant qu’elle reste jeune.
En vieillissant, elle devient amer. On peut utiliser la racine, les feuilles, les boutons floraux et les capitules de fleurs. Les racines peuvent descendre jusqu’à deux mètres. Les jeunes feuilles sont intéressantes en salades bien qu’il faut retirer l’amertume en les trempant dans de l’eau salée durant 1 heure. Finement hachées on les rajoute aux soupes ou aux plats mijotés, aux pâtés végétaux ou aux omelettes.
Les fleurs, les tiges et les boutons sont utilisables jusqu’en septembre. Il faut dégorger la tige dans de l’eau ou dans du sel. Jusqu’en mars, les pétales sont utilisés en gelée, sirop ou liqueur. Il est possible de les faire infuser. Elles décorent des salades. Les boutons floraux peuvent être trempés dans du vinaigre comme les câpres ou cuisiné au four.
La racine récoltée de septembre à mars est coupée en morceaux et mélangée en salade ou cuite. Séchée et rôtie, elle peut remplacer le café.
Utilisation médicinale
Nous avons vu que toute la plante a des effets diurétiques important. Le pissenlit soigne les engorgements du foie quand il y a des excès de nourriture. Il lutte aussi contre les calculs biliaires. Il a aussi un pouvoir détox aussi fort que la sève de bouleau, au printemps.
Selon une étude menée par Siyaram Pandey, professeur de l’université de Windsor au Canada, les racines de pissenlit seraient très efficaces et pourrait remplacer la chimiothérapie. Ainsi, les effets cytotoxiques de l’extrait de racine de pissenlit pourrait tuer jusqu’à 96% des cellules de la leucémie, 48 heures seulement après assimilation.
Autre utilisation ?
Production de latex pour remplacer le caoutchouc. Les Russes ont essayé au XXe siècle mais ont abandonné l’idée. Au début du XXIe siècle, les Allemands ont réussit à éliminer l’enzyme responsable de la coagulation du latex (par polymérisation rapide) grâce à une manipulation génétique. Le caoutchouc peut s’écouler librement et être récolté, obtenant un rendement à l’hectare équivalent à celui de l’Hevea brasiliensis.
Plante tinctoriale : Le latex blanc s’écoulant de la tige pourrait donner du blanc en teinturerie. La teinte issue de ce latex donne en réalité du brun. Les fleurs sont tinctoriales ? La réponse est mitigée. Elles ne vont pas donner la couleur jaune. Vous pourriez obtenir un vert très pâle. après moultes décoctions et préparations. En ajoutant du bicarbonate vous pourriez en obtenir une couleur verte plus intense. Pour obtenir du jaune, il faut se rabattre, entre autre, sur le Pastel des Teinturiers Isatis tinctoria, le safran Crocus sativus, etc. Les racines peuvent donner du rouge qui n’est pas très apprécié comme teinture végétale.
En Conclusion…
Cette plante est considérée comme une adventice, c’est-à-dire une mauvaise herbe, pour les mauvaises langues. Et pourtant, elle est très riche tant dans ses principes actifs que dans sa vitalité au potager. Plante vivace, elle communique avec toutes les plantes qui l’entourent grâce à la présence du mycélium, dans le sol. Le pissenlit est en lien avec les forces cosmiques et telluriques de la Nature plus que toutes autres plantes, grâce à la présence de silice. Sa racine de 2 m de profondeur a probablement le même effet que les arbres qui remontent les minéraux et les partagent à ses voisines. La littérature, les contes, l’imagerie populaire, les guérisseurs, les oracles, les rebouteux,… utilisent le pissenlit et donne un nombre impressionnant de texte sur cette plante. (12) Nous avons très certainement encore beaucoup à apprendre de cette plante…
Géry de Broqueville
- En un mot comme en cent, nous ne parlerons pas des genres Crepis, Hieracium, Hypchaeris, Lapasana, Leontodon, Picris, Pilosella et Sonchus.
- Nicholas Culpeper, Culpeper’s complete herbal, ed. Sterling, New-York, 2019, page 71.
- Bernard Bertrand, Le pissenlit, l’or du pré, Ed. Terran, 2005.
- Gérard Ducerf, L’encyclopédie des plantes bio-indicatrices alimentaires et médicinales, guide de diagnostique des sols, Ed. Promonature, 2017, page 307.
- Jamal Bellakhdar, la pharmacopée traditionelle, médecine arabe ancienne et savoirs populaires, 2e édition, Le Fennec, Casablanca, 2020.
- S.G. Fleischhauer, Plantes sauvages comestibles, ed. Ulmer, 2012.
- Wilhelm Pelikan, L’homme et les plantes médicinales, tome 1, ed. Triades, 2002. page 311.
- Dominique Guillet, Semence de Kokopelli, ed. Kokopelli, 2019, page 204.
- Florian t’Serstevens et Géry de Broqueville, Pas à Pas vers une terre vivante, autoédition, 2020, page 628.
- Vincent Masson, Manuel pour l’élaboration et la mise en œuvre des préparations biodynamiques, Biodynamie Service, 2021, page 145.
- Maria Thun, Pratiquer la biodynamie au jardin, Ed. MABD, 2017.
- Lisez de cette page sur ce site Internet. Vous aurez un bel aperçu de l’utilisation du pissenlit dans le monde.