En cette fin d’année, j’avais envie de parler d’arbres qui font très Noël ou nouvel an ! A part le Houx, l’épicéa et le gui, je ne voyais rien de très folichon. Je me suis dit que j’allais chercher, au hasard, un des bouquins de Bernard Bertrand (1) pour me décider à écrire un texte. Il a choisi le sureau. Dans le titre de son livre, il y a le mot « protection » qui est somme toute intéressant. Donc me voilà embarqué dans la découverte d’un arbre que j’affectionne pas mal. Et puis ses baies rouges ne font-elles pas penser un peu à Noël ?
Le sureau noir (Sambucus nigra), ou grand sureau, est une espèce d’arbrisseaux ou d’arbustes caducifoliés fruitier à croissance rapide. J’entends souvent des participants à nos formations me dire que le sureau pourrait être associé à une « mauvaise herbe » tant il est invasif. Il ne ferait pas bon ménage avec un potager sauf si ce dernier possède une belle surface. Piqué au vif par ces commentaires, je me suis mis à la tâche de mieux comprendre cet arbuste.
Les sureaux sont des arbustes du genre Sambucus, appartenant à la famille des Caprifoliaceae comme le chèvrefeuille. Le sureau est une plante nitrophile qui raffole, donc, des sols azotés. Les fleurs des sureaux sont blanches ou crèmes. Les fleurs se transforment ensuite en petits bouquets de baies rouges, bleues ou noires. Ces fruits sont appréciés des oiseaux qui rejettent dans la nature les graines après digestion des baies. Tous les sureaux sont influencés par la sphère de Vénus. (2) La couleur de la baie détermine la variété de l’arbuste :
- Sambucus nigra est la baie noire. Il est présent en Europe, en Asie et en Afrique du Nord.
- Sambucus racemosa est la baie rouge toxique lorsque crue, appelée aussi sureau rouge.
- Sambucus ebulus est le sureau hièble ou yèble. C’est une plante herbacée avec des baies noires.
Descriptions
Le plus connu est le sureau noir Sambucus nigra car il est en partie comestible. Appelé le grand sureau, sa taille fait un maximum de 7 m. Le sureau a une capacité d’adaptation étonnante. Il peut s’installer dans des ruines de bâtiment ou encore s’épanouir le long de la mer, dans des dunes. Mais dès qu’il est dans une terre riche, il explose en tous sens et colonise le moindre espace vide.
Le Sambucus racemosa sureau rouge est présent dans les parties les plus froides des mêmes continents que ci-dessus. On le retrouve donc plutôt en montagne bien qu’en Belgique on le trouve aussi en plaine. Il monte jusqu’à 7 m de haut. Le minimum est de 4 m. La floraison s’étale en avril-mai. Les pétales des fleurs vont de crème à jaunâtre. Elles ne sont pas très parfumées et donnent à l’automne de magnifiques baies rouges. les tiges sont creuses et possèdent une moelle orangée à brune. Les fruits récolté à maturité et cuits sont comestibles. Mais attention les graines sont toxiques.
Le sambucus ebulus sureau hièble est une plante herbacée toxique (tiges, feuilles, fleurs et fruits) avec une taille maximum de 2 m. Hièble provient du mot celtique yèble qui se traduit par herbe. Ce sureau a une odeur fétide. Il est installé dans les régions froides de l’Europe de l’Ouest bien que l’on en trouve aussi en Afrique du Nord. La floraison a lieu en juillet-août avec des étamines un peu rosées. Les fruits sont dressés. En hiver la plante disparaît complètement.
Un arbuste très puissant
Le sureau est une véritable pompe à eau qu’il partage, en partie, avec ses voisins mais la plus grande partie, s’élève dans les cieux par évapotranspiration. Le sureau est d’une telle vigueur que Wilhelm Pelikan s’interroge à propos de sa petitesse. Pourquoi le sureau n’est-il pas un arbre aussi grand que le chêne ou le châtaignier doués d’une même vigueur. Est-ce parce que son énergie finit par s’étioler dans les multiples rameaux et de-là, les multiples fleurs et baies ? A l’automne, quand l’arbre perd ses feuilles, ces dernières deviennent aussi noires que ses fruits. N’y-a-t’il pas un lien ? Rudolf Steiner, dans son cours aux médecins expliquent que le sureau est la plante qui est probablement le plus en lien avec les courants cosmiques qui se trouvent à la périphérie de la terre. (3)
Une plante pionnière
C’est une plante pionnière qui s’installera pour conquérir les espaces laissés vierges. C’est une des premières plantes qui pousse pour la transformation d’une prairie en forêt. Ses racines sont excellentes pour créer de l’humus et ainsi pour permettre aux autres arbres de venir peupler l’espace. Le sureau est aussi une plante capable d’absorber des métaux qui se trouvent parfois en quantité infime dans le sol comme le cuivre. On peut retrouver des traces de cuivre dans la fleur de sureau alors qu’il n’y a jamais eu de pulvérisation de bouillie bordelaise dans les environs. Il est possible que certaines plantes absorbent ces métaux pour nettoyer le sol et les faire sortir de ce milieux. Cela reste un grand mystère.
Chose étonnante, le sureau est capable de vivre sans lumière sous les frondaisons sombres des épineux. Les tiges creuses contiennent de la moelle, qui dans les temps anciens, servaient à faire des bonbons que l’on mâchait sans fin et qui n’avait aucun goût. Ses fleurs sont de couleur blanche à crème. La floraison se déroule en mai-juin suivi par l’apparition de baies à port retombant. Les fleurs et les fruits, à maturité et cuits, sont comestibles. La baie contient 3 graines. Le sureau noir a une durée de vie de 12 à 15 ans.
Les principes actifs
Les fleurs de sureau noir contiennent, des huiles essentielles à hauteur de 0,03 à 0,14 % à odeur de muscat, jusqu’à 3,5% de flavonoïdes (principalement rutine) et des acides gras libres (chlorogéniques et caféique). Elles sont riches en tanins, saponine et mucilage, teneur élevée de sels de calcium entre 4 et 9 %.
Dans les baies, on trouve des huiles essentielles, des sucres réducteurs à hauteur de 7,5 %, des flavonoïde, des anthocyane, de la pectine, 3 % de tanins, des acides organiques (citrique, malique et tartrique), des anthocyanosides comme la chrysanthémique et la sambucyanine. On trouve aussi du nitrate de potassium en grande quantité, du carotène et une substance colorante, la sambucine. 100 g de baies fraîches contiennent 65 mg de vitamines B12, 18 mg de vitamine C et 17 mg d’acide folique.
Dans l’écorce, on a découvert des triterpènes comme de l’acide ursolique et bétuline, de la choline et des traces d’alcaloïdes ainsi que du nitrate de potasse et des tanins, une résine et un acide valérianique.
Dans les jeunes feuilles, les scientifiques ont découvert un hétéroside cyanogénétique, le sambunigroside. (4) Dans 1 kg de feuilles fraîches, on trouve 156 mg d’acide cyanhydrique.
A quoi sert le sureau ?
Le sureau dans le potager
Le sureau est une plante hôte pour de très nombreux animaux, principalement des insectes qui se nourrissent de ses feuilles, fleurs, fruits, pollens, bois vivant et mort. Il est l’hôte de chenilles du papillons comme la tordeuse du prunier du sorbiers, de l’olivier, la phalène du prunier et du sureau, la pyrale du sureau et bien d’autres encore. Les pucerons s’attaquent aussi au sureau avec délectation accompagné par son cortège de fourmis. C’est pour cette raison que la coccinelle et le syrphe ceinturé s’installent sur la longue durée. Certains coléoptères s’y abritent aussi ainsi que les hyménoptères et les thrips.
Pourquoi planter un sureau noir dans le potager alors qu’il attire pas mal de « ravageurs ». Tout simplement, parce qu’il attire les prédateurs de ses propres ravageurs. Ces prédateurs feront d’une pierre deux coups. Ils se nourriront aussi des ravageurs des autres plantes du potager.
De plus le sureau va abriter des oiseaux comme le merle noir, le rouge-gorge, la grive, le passereau ou la fauvette des jardins, qui vont y nicher. Une nouvelle population d’oiseaux insectivores s’installeront à proximité pour s’attaquer aux chenilles. Les rameaux creux du sureau permettent aux abeilles sauvages ainsi qu’à des guêpes prédatrices de s’y installer. En plus, le sureau est mellifère.
Création d’humus
Si vous placez votre tas de compost au pied du sureau, le processus de compostage ira plus vite. Les lombrics apparaîtront encore plus rapidement. L’humus qui se forme au pied du sureau est d’une qualité inestimable pour un potager. Les feuilles de sureau sont des activateurs de compost. La raison ? Les racines et dans une moindre mesure, les feuilles contiennent de l’auxine. Les auxines sont des hormones végétales, ou phytohormones, présentes dans tout le règne végétal. Elles jouent un rôle majeur dans le contrôle de la croissance et du développement des plantes. L’auxine se trouvent aussi dans les racines du bouleau, de l’aulne et dans les 6 préparations biodynamiques (Achillée millefeuille, camomille, chêne, orties, pissenlit et valériane). C’est une découverte de R. Steiner confirmé par un laboratoire canadien, peu d’années plus tard. (5)
Un extrait fermenté de feuilles de sureau noir ou rouge est intéressant quand on a des mulots ou des campagnols. Le produit obtenu est un répulsif. La décoction de feuilles de sureau hièble, est un répulsif assez puissant vu l’odeur fétide, à la base, de cette plante herbacée. Il est possible d’utiliser du sureau noir, avec une moindre efficacité, contre de nombreux insectes comme les pucerons, les punaises, et les chenilles.
Ce qui est étonnant, c’est que ces mêmes pucerons et chenilles sont attirés par le sureau noir alors qu’une décoction de feuilles les en éloignerait… Nous pensons que seul le sureau hièble est efficace étant donné son odeur nauséabonde naturelle.
Des chercheurs anglais considèrent que la décoction permet de lutter contre le mildiou du rosier et contre la maladie de la tache noire (Marsonia). Il est aussi utilisé comme fongicide contre certains champignons.
Utilisation alimentaire du sureau
Nous n’allons pas nous étendre sur le sujet de l’alimentation humaine avec le sureau noir et rouge. Le sujet a été abordé dans beaucoup de sites Internet et dans de nombreux livres. Ce qui est à retenir, c’est que ce sont uniquement les fleurs et les fruits qui sont comestibles. Les fleurs pour en faire un sirop, les fruits uniquement cuits sont intéressants en gelée ou en confiture. Pour rappel, le sureau hièble est intégralement toxique.
Utilisation médicinale
En tant que plante médicinale, par contre, il y a de nombreuses applications à propos du Sambucus nigra. Depuis l’Antiquité, le sureau est réputé pour être un laxatif puissant. De plus, il est diurétique, analgésique, sédatif et employé pour traiter notamment anasarque, œdèmes, néphrites, rhumatismes. Les feuilles et les jeunes pousses feuillées, fraîches, ont les mêmes emplois en décoction ; en usage externe, elles sont vulnéraires (après broyage), apaisant les morsures de vipères par friction et d’hyménoptères par une décoction, ou employées en cataplasme contre les entorses, les contusions. Les fleurs, diurétiques et laxatives quand elles sont fraîches, sont très sudorifiques après séchage.
En homéopathie, le sureau noir traite traite les coryza secs et obstrués, les laryngites striduleuses et les suffocations sans laryngite.
Le Sambucus ebulus est plus pauvre en flavonoïdes. ses feuilles, ses racines et ses baies sont tous les trois diurétiques et donc utilisés dans l’hydropisie. Quand à la racine seule elle combat la constipation et les vomissements. Pour Bernard Vial, le petit sureau traite le bégaiement dus au désir profond de briller par la parole. Les baies ne sont pas utilisées car elles sont toxiques. C’est un trop puissant laxatif. (6)
Le sureau et les poules
Dans le jardin des poules, il serait intéressant de planter un Sambucus nigra. Les poules se réjouissent de monter dans l’arbre tant il y a des bestioles à manger à l’intérieur. Gertrud Franck ne dit pas autre chose. S’il n’y a pas possibilité de planter un sureau, il est intéressant de placer des branches fraîches au abord de la maison des poules, surtout au moment où les fruits sont mûrs. Les baies sont un complément alimentaire qui nettoie le tube digestif des gallinacées. Il n’est pas interdit de donner des feuilles aux lapins, chèvres ainsi qu’au plus gros bétail, pour les mêmes raisons dépuratives.
Autres utilisations
Une plante tinctoriale. Le sureau noir fournit des baies noires dont le jus est employé sous forme d’encre pour l’écriture avec une couleur violacée claire. Le sureau yèble est 1,5 fois plus riche en principes colorants que le sureau noir. Ce dernier va donner une teinte violacée sombre. Là aussi ne vous trompez pas de sureau, le Yèble est toxique. (7)
Le sureau et la musique. Le bois des rameaux évidé de sa moelle est utilisé au Maroc pour faire des tuyaux. C’est le même principe dans d’autres pays qui en font des instruments de musique notamment le mirliton, le fifre ou le sifflet. Ce bois entre aussi dans la fabrication d’instruments de musique plus complexes en Slovaquie ou en Roumanie.
Dans un livre arabe de « Umdat al-tabib », l’andalou Ibn al Khayr Al-Ishbili, au XIIe siècle, décrit le Sambucus ebulus comme une plante creuse à moelle pouvant servir de briquet par frottement. On suppose qu’il en va de même pour les deux autres sureaux. Autant être au courant alors que nous sommes à l’avant-veille d’un effondrement généralisé ! (8)
En conclusion…
Bref comme on le voit, le sureau est bien plus intéressant qu’il n’y paraît au premier coup d’œil. Bien sûr, dans la littérature, les contes et les légendes, bon nombre de textes font référence au sureau. Le balais de sorcière d’Harry Potter est composé d’un corps en genêt et du manche en bois de sureau. Avec cette information, on ne peut que vénérer cet arbre tant il peut nous apporter des bienfaits. Pour terminer, je reprend le livre de Bernard Bertrand, Sous la protection du sureau. Je ne résiste pas à vous citer quelques outils à réaliser dans son cahier pratique. Bien sûr, il y a les instruments de musique, mais aussi une seringue à eau, un bufadou, un puits africain, des nichoirs à insectes…
Ce bel article pour se dire que nous aussi, nous allons planter deux sureau noir dans notre potager à Hoeilaart. Nous nous sommes contentés d’un sureau à baies rouges qui pousse depuis trois ans dans la prairie de la voisine. Il se trouve à moins de 5 m de notre potager. Nous sommes sûr de ses influences positives sur notre espace nourricier, mais ce n’est pas suffisant. Pourquoi deux Sambucus nigra ? L’un en plein nord-est, sous forme de haie, pour nous protéger des vents froids, juste à coté du compost et l’autre dans le jardin des poules.
Géry de Broqueville
- Bernard Bertrand, Sous la protection du sureau, Ed. Terran, 2007.
- Nicholas Culpeper, Culpeper’s complete herbal, Ed. Sterling, New-York, 2019, pg 79.
- Wilhelm Pelikan, L’homme et les plantes médicinales, tome 2, ed. triades, 2003, pg 138.
- Deux livres pour aller plus loin dans les principes actifs : S.G. Fleischbauer, Plantes sauvages comestibles, Ed. Ulmer, 2012. et Jamal Bellakhdar, La pharmacopée marocaine traditionelle, médecine arabe ancienne et savoirs populaires, Ed. Le Fennec, Casblanca, 2020.
- Ehrenfried Pffeifer, Fécondité de la terre & le visage de la terre, Ed. Actes Sud, 2016, pg 244.
- Collectif sous la direction de P.Depoërs, De la lumière à la guérison, la phytothérapie entre science et tradition, Ed. Amyris, 2008.
- Elisabeth Dumont, Encres de plantes, Ed. Ulmer, 2018, pg 76.
- Ibid.Jamal Bellakhdar, pg 643.