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Les solanacées vertes sont-elles toxiques ?

tomate mûre
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Temps de lecture : 6 minutes

Dans l’article précédent, nous avons vu les plantes dont le principe actif de base était les saponines. Nous avons vu qu’en présence de ces molécules de saponines, les légumes sont toxiques. Nous avons vu aussi que les solanacées (tomates ou pommes de terre) étaient composées notamment de Saponine. Les tomates sont-elles alors toxiques ?

Disons-le tout de suite, cette question est posée pour la tomate verte, c’est-à-dire quand elle n’a pas atteint sa maturité. Peut-on faire de la confiture de tomate verte en fin de saison ? 1 Cette question taraude les internautes ou les participants à nos formations. N’y allons pas par quatre chemins, il vaut mieux éviter de manger les solanacées immatures en raison des substances toxiques qu’ils contiennent. Tout étant une question de nuances, nous allons essayer d’y voir plus clair.

La Solanacée tubéreuse (pomme de terre)

La Belle de Fontenay entourée d’oignon Sturon

La pomme de terre (Solanum tuberosum) est un légume très présent dans la cuisine de nos contrées. Il existe deux principes toxiques dans cette plante : la solanine et la chaconine. Chez la pomme de terre, la solanine est présente dans toute la plante et les tubercules immatures.

Lors de la récolte des tubercules, il vaut mieux éliminer celles dont la peau est verte. Il ne faut pas les exposer au soleil, cela aura comme effet, le verdissement de la tubercule et donc l’augmentation de la solanine. En effet, le soleil renforce la présence de Solanine dans la racine. La plupart des glycoalcaloïdes (solanine et chaconine) 2 se trouvent dans la peau de la pomme de terre ou juste en dessous. Il a été observé que les pommes de terre pelées contiennent de 30 à 80 % moins de solanine que les pommes de terre non pelées.

Solanum melongena

Une aubergine en voie de maturation complète

La consommation d’aubergine immature cuite n’est pas recommandée. La cuisson permettra une légère diminution de la substance mais pourra tout de même entraîner des effets secondaires. Ne parlons pas de l’aubergine immature crue, elle est réellement déconseillée, bien que la quantité de solanine contenue dans l’aubergine immature crue est inférieure à celle nécessaire pour produire un empoisonnement grave.

Solanum lycopersicum (tomate)

Trois stades de mûrissement de la tomate belge « La prolifique de Falisolles »

La solanine et l’alpha-tomatine 3 sont présentes dans tout le plant de tomate, mais disparaissent du fruit après maturation. Les feuilles et les tiges sont donc toxiques et impropres à la consommation. Il ne faut pas imaginer que ces deux substances seront décomposées lors de la cuisson ou de la friture. En effet, il faut atteindre 243°C pour éliminer totalement les deux substances.

Les tomates contiennent une quantité limitée de solanine : 9 à 32 milligrammes pour 100 grammes. Les premiers symptômes d’une intoxication interviennent après une consommation de 200 mg de Solanine. « Si on en consomme une quantité assez importante, le système nerveux central subit aussi des dommages ce qui entraîne des crampes et des signes de paralysie. On considère comme mortelle une dose d’environ 400 grammes. » 4

Un fruit climactérique

La tomate est un fruit climactérique. Cela signifie qu’elle continue à mûrir après la cueillette. Déposée dans une feuille de papier journal ou dans du papier kraft, elle est mise à l’abri de la lumière, dans une pièce chaude et sèche de la maison.

Ce n’est donc pas le soleil qui les fait mûrir mais bien la chaleur. Elle va continuer à mûrir parce qu’en respirant, elle dégage une hormone végétale à l’origine de la maturation : l’éthylène. Ce même gaz est produit par les abricots, avocats, bananes, kiwis, melons, poires, pommes, prunes.

Quand l’hormone d’éthylène démarre-t-elle ?

Dès que les fruits de la tomate sont prêts à entrer en maturation certains gènes vont induire la fabrication d’éthylène. Ce gaz va apporter de nombreux changements au niveau du fruit pour attirer le consommateur.

  • La couleur va changer grâce à la chlorophylle (pigment vert) se trouvant dans les feuilles, la tige et les fruits immatures vont se dégrader. Ils seront remplacés par des pigments attractifs comme les anthocyanes (bleu), lycopène (rouge), caroténoïdes (jaune/orange).
  • Le sucre va apparaître dans le fruit par la dégradation des amidons en glucoses et fructoses.
  • La présence d’eau va augmenter et la peau devient moins ferme.
  • La solanine qui donne un goût astringent va diminuer très fortement.
  • Les critères organoleptiques du goût et des arômes de tomate arrivent au dernier stade de la maturation. Il en va de même des apports positifs sur la santé humaine.

Ce processus se déroule toujours dans un environnement chaud de maximum 30°C et de minimum 10°C. En dessous de cette température, le fruit arrête de produire de l’éthylène et les arômes sont amoindris. Le soleil accélère évidemment le processus.

Donc associer des tomates avec des pommes est une bonne chose. Cette dernière est le fruit qui dégage le plus d’éthylène et donc participe au mûrissement de la tomate.

Et si vraiment, vos tomates vertes ne mûrissent pas, laissez-les se dégrader sur le sol. Elles participeront à la vitalité de votre terre pour la prochaine saison…

Quid de la solanine ?

La solanine, un glycoalcaloïde toxique à goût amer, est constituée de l’alcaloïde solanidine et d’une chaîne latérale glucidique. Il a une structure triterpénoïde. L’alpha-solanine est la forme chimique la plus toxique. Elle est caractéristique de la non-maturité de certains fruits et tubercules.5

La solanine appartient à la famille chimique des saponines. Le mot est lâché ! On retrouve donc une substance appartenant à la famille des saponines qui donne un goût amer et toxique en fonction de la quantité présente. Les plantes possédant de la solanine sont l’aubergine, la morelle noire, le paprika, la physalis, le piment, le poivron et le tabac.

Les dangers de la solanine

Les risques encourus : La solanine a une action irritante sur le tube digestif et une toxicité nerveuse. Les symptômes qui en découlent sont donc principalement des troubles digestifs : vomissements, constipation suivie de diarrhée parfois noirâtre, et salivation« . Ces symptômes sont les mêmes pour les animaux. (…) La dose toxique est de 2 à 5 mg par kg de poids corporel. Les symptômes se manifestent 8 à 12 heures après l’ingestion, mais peuvent aussi apparaître après 30 minutes si la concentration de solanine est très importante. 6 Il n’y a pas de problème de santé à prévoir sauf pour les nourrissons et les jeunes enfants. Chez les adultes, seuls les grands consommateurs sont concernés.

La solanine disparaît quand le fruit ou la tubercule atteint sa maturité. Manger une tomate verte ne va pas entraîner de graves problèmes. Les symptômes se développent lorsqu’une personne en mange une grande quantité ou très souvent.

On comprend mieux pourquoi les tomates des grandes surfaces n’ont pas de goûts ni d’arômes. Elles sont cueillies avant le début de la maturité et sont gardées dans des entrepôts. L’éthylène est injectée massivement pour accélérer le processus de mûrissement. La solanine et l’alpha-tomatine disparaissent partiellement, juste ce qu’il faut.

Un étude de l’Université de Lorraine 7 indique ceci : « Dans ce dernier cas, les industriels réalisent un processus de déverdissage des agrumes en les gazant à l’éthylène. Cela leur permet d’obtenir des fruits aux couleurs standards attendues par les consommateurs, mais n’améliore en rien leurs qualités gustatives ou nutritionnelles et peut même les entraîner vers un état de sénescence.. » 8 Cette étude lie la consommation de légumes immatures ayant subi un gazage à l’éthylène et le vieillissement des personnes consommant ce type de légumes. Les causes de cette sénescence sont encore difficilement explicables. S’ils devaient être prouvés cela remettrait en cause ces pratiques courantes de l’industrie.

La solanine, un moyen de lutte

Je me cache pour mieux séduire plus tard…

Le taux de solanine augmente dans la tubercule quand le doryphore (Leptinotarsa decemlineata) s’attaque aux plants de pomme de terre.9 Ainsi donc, la Solanine est un outil pour la plante de se défendre contre le prédateur comme d’autres plantes, l’acacia par exemple, augmentant leur taux de tanin en cas d’attaque extérieure.

De même, tant que la tomate reste verte, elle est camouflée dans le feuillage vert. Elle est immangeable tant par l’homme que par l’animal. Cela lui permet de rester en vie pour atteindre la maturité complète, avec une belle couleur rouge. Il faut souligner que la plante, dans sa totalité, est mûre et ce y compris ses graines. Il s’agit bien, pour la plante, d’avoir une descendance. Le fruit n’est donc qu’un support pour permettre à la plante de pérenniser son espèce.

La plante a donc besoin d’un système pour appâter les amateurs de son fruit pour propager ses graines. Le transfert se fait via l’estomac des consommateurs de la tomate.10 Ainsi, la tomate ne rentrera en maturation que lorsque les graines de ses fruits seront, elles, matures, prêtes à pouvoir germer dans le futur et se séparer du pied mère. Cela signifie que seules les graines de la tomate qui commencent la maturation sont reproductibles.

Les apports de la tomate mûre

Une des meilleures tomates : l’Andine cornue.

Il est donc important pour le potagiste de récolter les tomates mûres et de les consommer, tout en récupérant les graines, d’autant que la maturation est l’acquisition des propriétés organoleptiques (goût, arôme…) rendant le fruit agréable à consommer. Et pas seulement cela ! C’est aussi le moment des apports en potassium, vitamines C, folates. De plus, elle est pauvre en calories. Elle ne contient que 17 kilocalories par 100 g.

La lycopène est le phénomène qui va donner une couleur rouge intense très intéressante pour la santé. Elle fait partie de la famille des caroténoïdes.11 On lui attribue la faculté de réduire le risque de maladies cardio-vasculaires, de cancer de la prostate, de diabète sucré, d’ostéoporose et d’infertilité. Une étude a démontré que la simple prise quotidienne de 7 milligrammes améliore le dysfonctionnement endothélial (troubles du fonctionnement des vaisseaux lymphatiques et sanguins) chez des patients atteints de maladies cardio-vasculaires.12

En conclusion…

En tout état de cause, il est clair qu’il faut essayer de récolter sur pied les tomates le plus tard possible. L’éthylène n’a d’effet idéal que si le fruit est connecté avec la plante. Tous les éléments de la maturation se retrouvent alors présentes dans le fruit comme la couleur, le goût et donc la métabolisation de la solanine et de l’alpha-tomatine en esculéoside A insipide et non toxique, l’apport de vitamines, la chair, la maturité des graines, la peau mûre, le jus et les arômes de la tomate.

Dans le cas d’une récolte de tomates immature, le fait d’ajouter de l’éthylène avec des pommes permet une maturation artificielle avec un changement de couleur, de forme et de peau. Les autres critères ont été stoppés au moment de la cueillette. La solanine diminue probablement un peu mais pas assez. Le fruit restera toxique, s’il est mangé en grande quantité comme nous l’avions vu ci-dessus.

En cherchant des explications dans Google scholar, les études menées sur le sujet sont quasiment inexistantes. Une seule étude 13 montre qu’après un gazage industriel l’alpha-tomatine diminue chez les tomates naturelles et augmente chez les tomates hybrides. Comme on le voit, cette question va faire couler beaucoup d’encre.L’étude de l’Université de Lorraine jette un pavé dans la mare qui nous pousserait à dire « dans le doute abstiens-toi » !

Géry de Broqueville

  1. Nous parlons bien de tomates immatures. Les tomates vertes de Huy ou green zebra arrivent vertes à maturité et contiennent autant de solanine que les tomates de variétés rouges. Il en va de même pour les autres couleurs comme le rose, le noir, le jaune, selon la variété. ↩︎
  2. La famille des glycoalcaloïdes possède des substances toxiques communément trouvées dans les espèces de la famille des Solanacées. Ce groupe chimique comprend plusieurs milliers d’alcaloïdes qui sont généralement contenues dans les plantes en tant que substances de défenses. Dans cette famille l’on trouve tout de même la capsaïcine qui est responsable du piquant du piment ou la morphine du pavot somnifère. La toxicité se produit généralement quand les parties de la plante qui contiennent ces substances sont mangées en grande quantité. ↩︎
  3. L’α-tomatine ou l’alpha-tomatine est un glycoalcaloïde stéroïdal toxique produit par tous les organes de la tomate. Elle fait aussi partie de la famille des saponines. La tomatine a des propriétés antibiotiques et antifongiques. La teneur en tomatine est faible pour les tomates rouges (mûres), de l’ordre de 0,03 à 0,08 mg/100 g et nettement plus élevées pour les tomates vertes (immatures), de 0,9 à 55 mg/100 g, sans danger toutefois pour la consommation humaine. (Voir Wikipedia ↩︎
  4. Ce site Internet décrit très bien les doses à ne pas consommer et les conséquences pour la sa ↩︎
  5. Voir le site Internet Aqua portail.com ↩︎
  6. Pour lutter contre l’arrivée des doryphores, il faut semer de l’ail, du lin bleu (Linum usitatissimum), ciboulette, du raifort, de la tanaisie, des soucis ou des œillets d’Inde, entre les lignes ou autour de l’endroit où sont installés les pommes de terre. L’insecte s’attaque aux feuilles et non aux tubercules. Certains chercheurs pensent que c’est la solanine présente dans les feuilles qui excitent l’appétit du doryphore ↩︎
  7. Dugrand-Judek Audrey, Contribution à l’étude phytochimique et moléculaire de la synthèse des coumarines et furocoumarines chez diverses variétés d’agrumes du genre Citrus, Docteur de l’université de Lorraine en sciences agronomiques, Université de Lorraine-INRA, 2015, p.49 ↩︎
  8. Sénescence : est un processus physiologique qui entraîne une lente dégradation des fonctions de la cellule (notion spécifique de sénescence cellulaire) à l’origine du vieillissement des organismes. (Voir wikipedia) ↩︎
  9. Le centre anti-poison est clair là-dessus. C’est pour cette raison que dans l’alimentation des animaux la pomme de terre est très souvent ex ↩︎
  10. Nous avons déjà vu ce phénomène lorsque l’on a parlé du rapport du renard et le fruit de la ronce. Avec l’être humain, le combat pour la survie de l’espèce n’est pas gagné en sachant que la majorité des graines passent dans les égouts. ↩︎
  11. La famille des caroténoïdes regroupe les pigments végétaux responsables des couleurs rouges, orangées, jaunes et vertes des fruits, des légumes, des fleurs et des algues. Cette vaste famille de substances liposolubles (solubles dans les graisses) possède des propriétés antioxy ↩︎
  12. Nous avons écrit un article, en 2020, à propos de la patience que l’on doit avoir avec les tomates pour les récolter mûre… fin décembre. C’est une manière aussi de répondre à la question de la consommation de tomates immatures. ↩︎
  13. Collectif, Involvement of Ethylene in the Accumulation of Esculeoside A during Fruit Ripening of Tomato (Solanum lycopersicum), American Chemical Society, 200 ↩︎
Tomate Green zébra qui reste verte toute la saison jusqu’à la récolte.
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